Faire-part. Donner la preuve que l’enfant est là, que la maman se porte bien, que le papa est fier, tout cela n’est pas une fable, le bébé a une taille, un poids, une date de naissance, et la photo atteste qu’on peut commencer à dire à qui il ressemble.
Album. L’enfant est de plus en plus grand. Les photos sont collées bien droit. On note les dates, les noms, les événements : les premiers pas, le premier jour d’école, la fois où il a perdu sa première dent de lait. Tout est toujours premier dans l’album des premières fois.
Photo de classe. Bien noter au dos les prénoms pour essayer, des années après, de les retrouver. Il y a toujours des intrus, des gens dont on avait complètement oublié l’existence.
Photo du permis de conduire. On y reste éternellement boutonneux. Le tampon crée sur le visage un relief administratif. Le flic regarde la photo, il regarde le conducteur, semble réfléchir, nous laisse repartir.
Photo de profil. On cherche à se montrer sous son meilleur jour mais ça ne marche jamais. Il faut que ça évolue, que ce soit de saison, que ça colle à l’image qu’on s’imagine que les gens ont de nous. Ou alors on met à la place un coucher de soleil, un bouquet de fleurs, une montagne.
Photo pour se souvenir. Le tableau noir avec les formules de math, la nouvelle adresse d’un ami, le code de la carte bancaire, la couverture d’un livre qu’il faut absolument que tu te procures.
Panorama. Au sommet, d’abord ce qu’il y a au nord, puis ce qu’il y a à l’est, au sud, à l’ouest, avec la marque des doigts de ceux qui te montrent chaque montagne en t’en disant le nom (que tu oublies immédiatement).
La photo de 17h17. Tous les jours, un instantané arbitraire de ce qui est là, mais sans les humains qui pourraient se reconnaître. Balancer cela le plus vite possible sur Instagram puis rassembler les photos dix-sept par dix-sept et consacrer dix-sept secondes à chaque photo.
…les photos nous suivent dans le temps, et puis …ce choix de les figer à 17h17…j’aime ce contraste. merci!