#anthologie #18 | in memoriam images et appareil

Puisque n’ai pas lu Hervé Gibert, mais que je le crois, liste rapide de mes mémoires photos (avec quelques réponses à sa table des matières)

1 — les albums reliés de la commode 

2 — le tiroir du secrétaire

3 — la grande radio au fond de la penderie

4 — le petit kodak

5 — l’appareil suicidé

6 — le Canon cuivré dans ma poche 

7 — les Sony de couffins et autres

8 — l’attendu

1 —

Dans la grande commode ventrue de style Louis XV du salon de ma grand mère, à gauche dans le second tiroir, mes albums préférés, gros et grands, revêtus de cuir ou velours avec de lourds fermoirs métalliques, les pages de carton épais dans lesquelles étaient pratiquées des découpes ovales où s’inséraient les daguerréotypes montrant des couples dé jeunes filles, des hommes en uniforme ou le plus souvent en costume avec chapeau à la main ou posé sur une colonne et dames enfouies dans de lourds tissus et de très larges jupes, aux visages neutres, sur lesquels ma grand-mère ne savait souvent poser de nom, sous lesquels sa mère ou l’une des femmes de la famille avait inscrit parfois de leur fine écriture penchée d’élèves des Dames du Sacré-Coeur un nom, un prénom, un titre attribuant à une matrone rayonnante en taffetas sombre le titre de Colonel X…

2 —

Le coffre à trésors qu’était pour nous le premier tiroir en dessous de l’abattant du haut secrétaire Louis XVI de ma mère avec son mélange d’albums cartonnés contenant ses photos d’enfance au Chili, de jeune fille à Dà Lat, de jeune mariée à Toulon, à Narbonne, en Corse, rejointes alors par mes premiers portraits et de la pagaille de photos de toutes tailles, à bords dentelés ou non, en noir et blanc ou en couleur déposées là, maniées, revenues d’un séjour dans un cadre ou une poche,  des années suivantes, avec quelques enveloppes légendées contenant deux ou trois photos correspondant à l’inscription et des occupantes sans droit.

3 —

Derrière les vêtements pendus, les cartons posés au sol contenant des produits, des chaussures, des cintres veufs, des cadavres de sacs usés jusqu’à leur mort, je sais que parmi les quelque radios dont je ne me suis pas débarrassée il y a cette grande radio un  peu réduite par je ne sais quel procédé  de mon squelette qu’avait demandé en même temps que des analyses mon premier médecin Avignonnais et que j’ai gardée parce que ma foi  je me trouve jolie ainsi.

4 —

Par contre je n’ai plus aucun des petit tirages carrés des photos de mon premier appareil (et longtemps le seul) cadeau reçu vers onze ou douze ans et que j’ai tant aimé, m’essayant alors à des effets de composition que j’ai abandonnés ensuite, m’appliquant pour faire durer les pellicules et limiter les tirages.

5 —

Je ne sais plus quelle était la marque, ni même quel était l’aspect de l’appareil argentique, troisième ou quatrième d’une dynastie de boitiers simples, petits, tenant dans une poche ou un sac, un peu au dessus du bas de gamme, dont le souvenir m’est resté surtout pour son abandon, son envol/adieu ou plutôt chute de mes mains rendues au dessus du vide sous la Giralda de Séville, me laissant avec mes yeux, mes émerveillements, deux ou trous rouleaux de pellicule, et comme souvenirs en dehors de cette déception mon effroi idiot de bête pourchassée ou de mudéjar en écoutant, depuis un bas côté de la cathédrale, le choeur guerrier des chanoines et ma chute sur les dalles du grand hall de l’assez bon hôtel sous l’oeil ds clients et grooms ou assimilés en revenant du déluge qui s’était  abattu sur moi près du fleuve.

6 —

Ce petit canon très simple et joliment cuivré qui a traîné longtemps dans ma poche, que j’ai prêté pour un instant mon premier petit fils, ivoirien celui là, dans la deuxième salle du Petit Palais, avec lequel pour mon grand plaisir, dans son enthousiasme devant les primitifs italiens il a pris cinquante photos que j’ai dû faire imprimer, appareil que lui ai donné quelque temps plus tard m’étant offert un Sony de même taille mais meilleure qualité et qu’il a depuis longtemps remplacé.

7 — 

Semés sur des rayonnages, empilés, les cadavres de mes Sony de qualités diverses, tous coincés ou morts d’une façon ou d’une autre dont l’avant-dernier, le plus simple des hybrides, obéissant  à des maltraitances que je lui infligeais en m’en en excusant, redémarrait régulièrement, avec parfois un petit cri de ferraille,  depuis plusieurs mois et a fini par m’abandonner définitivement la semaine dernière.

8 —

Ce petit reflex Canon noir avec un objectif de 55 mm qui me nargue, via Google me nargue qui en affiche la photo sur ma messagerie, le site de France Culture etc…  depuis que j’en ai commandé rn catastrophe un retapé à la Fnac (pour une somme qui engloutit un ou deux chandails et mon abonnement Opéra de cet hiver), qui devait être disponible le 5 juillet et ne l’était toujours pas le 9, à l’absence duquel je remédie par un vieux Sony, le meilleur des hybrides, totale déréglé qui après cinq minutes de manipulations baroques consent  prendre une photo de qualité variable et que je ne peux vérifier.

A propos de Brigitte Célérier

une des légendes du blog au quotidien, nous sommes très honorés de sa présence ici – à suivre notamment, dans sa ville d'Avignon, au moment du festival... voir son blog, s'abonner, commenter : Paumée.

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