#anthologie #18 | dix portraits de L.

Son visage pixellisé, mangé par des carrés de couleur, malgré tout je le reconnais

Son visage impassible, corps assis sur un banc, à l’arrière-plan de la photo d’un touriste

Son visage saisi de face et de profil lors de son interpellation

Son visage sous mes paupières quand je ferme les yeux, toujours gravé dans ma mémoire

Son visage lumineux, entouré d’autres enfants sanglés dans leur uniforme, sur une photo de classe

Son visage décomposé en lignes et diagonales par un logiciel de reconnaissance faciale

Son visage endormi, corps emmêlé dans les draps, sur une photo volée

Son visage flou sous la pluie capté par une caméra de surveillance

Son visage neutre, pourtant si beau, sur la photo plastifiée de son nouveau passeport

Son sourire de circonstance, entouré d’un homme et d’une femme élégamment vêtus, sur une photo encadrée

A propos de Muriel Boussarie

Je travaille sur un chantier d’écriture au long cours et j’espère avoir assez de souffle pour le mener à terme. L’intuition de ce projet a surgi ici, dans un atelier du Tiers Livre. Il était question de se perdre dans la ville. Comme je ne voulais pas suivre une piste trop autobiographique, j’ai délocalisé l’errance en la situant dans la ville de K., un avatar de Hong Kong qui m’avait tant fascinée. Alors un personnage, un homme, Tu, toujours interpellé, est immédiatement apparu dans une rue de K. où il s’était égaré. Malgré cette entrée en matière – très forte pour moi – je n’ai pas pensé au départ écrire une histoire, encore moins un livre. Mais je voulais écrire, rêver un univers, celui de K. Quelques textes ont ainsi vu le jour sur mon blog. Puis lors d’un nouvel atelier de François Bon, un fil d’histoire plus précis s’est ébauché : le départ de Tu et L. vers les îles pour fuir la dictature qui sévit à K. À ce moment-là s’est déclenché un grand désir de narration. Beaucoup de choses se sont précisées au fil de l’écriture, bien des personnages sont apparus… Et régulièrement j’utilise des consignes de l’atelier comme pistes pour développer mon récit.

10 commentaires à propos de “#anthologie #18 | dix portraits de L.”

  1. j’aime cette récurrence de ses visages (lui plus lui plus u moins lui) jusqu’au sourire de circonstance qui n’est plus lui

    • Merci Nathalie. C’est drôle parce qu’en relisant le texte avant de le publier, j’ai remarqué que rien n’indiquait le genre de la personne à qui est ce visage, que rien ne disait qu’il s’agissait d’une jeune femme et que de fait en le lisant on pourrait très bien penser aussi à un visage d’homme.

  2. j’avoue que je t’aurais bien piqué ton idée…
    une façon de faire le tour d’une vie, magnifique !

    • Merci beaucoup Françoise pour ton retour ! je compte creuser encore cette vie avec la #10.
      Et si tu veux, n’hésite pas à « piquer » cette idée…

  3. Et bien, j’ai vu ici un homme… à la première lecture mais aussi à la deuxième… Quelle belle idée que celle des visages en tout cas ! À intégrer donc dans le récit en cours ? Courage pour cette longue entreprise !

  4. Merci beaucoup Marlen pour la lecture. Oui j’intègrerai peut-être ce texte dans mon chantier en cours, du moins c’est un outil pour creuser la vie de L. Au plaisir de vous lire.

  5. Merci pour ce beau texte. Entre tous ces visages le blanc du fragment laisse la place à l’imaginaire.
    C’est très beau cette idée de raconter un personnage au travers de tous ses visages. Cela pourrait faire une belle proposition d’écriture 😉

    • Merci beaucoup Françoise. À travers tous ses visages, j’essaie d’approcher un personnage un peu insaisissable.