elle me dit suivez-moi, nous allons au phare, le phare c’est toute une histoire. Je l’ai lu dis-je bêtement, elle a un petit rire, sa voix est un peu grave, un peu dure et acérée comme son profil. Tout est long en elle, son nez, son ovale, ses jambes, ses mains, je suis incapable de dire si elle est belle ou laide, elle est sublime. Elle marche à grands pas, à longues enjambées de femme longue. On perd les êtres comme les maisons, dit-elle en se tournant vers la petite maison blanche, mais peut-être les unes comme les autres se souviennent de nous. En tout cas, j’ai beaucoup aimé celle-là. Dans le jardin de la petite maison, on aperçoit une jeune femme qui se débat avec le vent pour installer son chevalet. Un rideau jaune s’échappe d’une fenêtre. Je songe à mes maisons perdues, à mes chers disparus, je n’ose rien en dire de peur de lui prendre ses mots. Je lui affirme avec un rien de forfanterie que oui, les maisons vivent en dehors de nous, elles s’animent en notre absence mais dès que nous passons la porte, elles s’assagissent et prennent un air de fausse indifférence pour nous recevoir. Son regard bleu me transperce, vous croyez vraiment à ce que vous dites ? Elle rit de bon cœur, de bonne grâce même, nous rions donc, je voudrais lui parler de sa maladie, ou plutôt lui dire comme je déteste comme on en parle généralement, je n’ose pas bien sûr, j’ai devant moi la femme la plus intelligente et la mieux portante qui soit, qu’irais-je lui parler de ça ? Nous montons dans un genre de barque, je me demande s’il fait suffisamment beau pour aller au Phare…
9 commentaires à propos de “#anthologie #17 | Virginia”
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C’est un très beau texte. Merci
Merci Emilie peur de ne pas être à la hauteur de l’auteur pourtant
je prends le risque avec vous, je m’embarque !
j’adore ton idée et ton « à longues enjambées de femme longue » !
Très chouette, j’embarque aussi !
Oui forcément les enjambées longues de Virginia. Et je l’ai évoquée moi aussi; alors ravie de la retrouver ici!
Magnifique . Je veux monter dans la barque.
Avec délicatesse et élégance, on se laisse embarquer. Merci beaucoup.
la barque.. vous deux.. le phare…une intimité qui nous est donnée à ressentir, en silence. Merci .
Merci à toutes, nous voilà nombreuses sur la barque de Virginia, essayons de ne pas couler !