#anthologie #17 | Virginia

elle me dit suivez-moi, nous allons au phare, le phare c’est toute une histoire. Je l’ai lu dis-je bêtement, elle a un petit rire, sa voix est un peu grave, un peu dure et acérée comme son profil. Tout est long en elle, son nez, son ovale, ses jambes, ses mains, je suis incapable de dire si elle est belle ou laide, elle est sublime.  Elle marche à grands pas, à longues enjambées de femme longue. On perd les êtres comme les maisons, dit-elle en se tournant vers la petite maison blanche, mais peut-être les unes comme les autres se souviennent de nous. En tout cas, j’ai beaucoup aimé celle-là. Dans le jardin de la petite maison, on aperçoit une jeune femme qui se débat avec le vent pour installer son chevalet. Un rideau jaune s’échappe d’une fenêtre. Je songe à mes maisons perdues, à mes chers disparus, je n’ose rien en dire de peur de lui prendre ses mots. Je lui affirme avec un rien de forfanterie que oui, les maisons vivent en dehors de nous, elles s’animent en notre absence mais dès que nous passons la porte, elles s’assagissent et prennent un air de fausse indifférence pour nous recevoir. Son regard bleu me transperce, vous croyez vraiment à ce que vous dites ? Elle rit de bon cœur, de bonne grâce même, nous rions donc, je voudrais lui parler de sa maladie,  ou plutôt lui dire comme je déteste comme on en parle généralement, je n’ose pas bien sûr, j’ai devant moi la femme la plus intelligente et la mieux portante qui soit, qu’irais-je lui parler de ça ? Nous montons dans un genre de barque, je me demande s’il fait suffisamment beau pour aller au Phare…

A propos de Catherine Plée

Je sais pas qui suis-je ? Quelqu'un quelque part, je crois, qui veut écrire depuis bien longtemps, écrit régulièrement depuis dix ans, beaucoup plus sérieusement depuis trois ans avec la découverte de Tierslivre et est bien contente de retrouver la bande des dingues du clavier...

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