Un mercredi de mai 1980
Il m’a dit Viens mercredi. Il m’avait croisé au petit matin, au retour d’un collage musclé, mon âge l’avait intrigué, et mon sexe. Quinze ans, pourquoi ? Viens mercredi, sois pile à l’heure. On est mercredi, je suis devant le 5, rue Saint Benoît, avec un peu d’avance, pas de montre, je ne suis pas un garçon et j’ai pas fait ma communion. Un passant s’approche, c’est lui, on monte au troisième, porte gauche, il toque. Il me regarde à peine, on dirait qu’il regrette de m’avoir fait venir. Réponds quand elle t’interroge, directement, sois qui tu es, et ça ira. On entre. Marguerite, comme il l’appelle, est dans la cuisine. Servez vous un verre, j’arrive. Une dizaine de personnes sont déjà là, et je comprends vite que je suis l’attraction. Elle, elle ne m’a pas vu, une cigarette dans la main gauche, une grande cuillère en bois dans l’autre à tourner dans une casserole qui chauffe. J’attends debout, sans rien dire, je regarde les regards qui me regardent, mon accompagnateur s’en amuse et se détend. Marguerite arrive un verre de rouge à la main, dans son regard myope je vois qu’elle se demande qui est cette silhouette nouvelle. Elle m’interpelle, me demande d’où je sors, qui m’a invité. Sans attendre la réponse, elle se tourne vers une femme plutôt âgée et qui n’a pas ri de mon air décalé Il nous ramène des bébés ! Sans hésiter je prends la parole Si c’est pour dire que je vais coucher avec, vous vous trompez. Moi ce que j’aime c’est la politique c’est pour ça que je suis ici, je croyais que vous aussi. Marguerite, oui la Duras, celle-là même, me regarde une deuxième fois, et cette fois, elle me voit. Assieds-toi, tu vas manger la meilleure soupe au poireau que tu mangeras jamais. L’homme qui m’a fait entrer dans la place me fait un clin d’œil.
l’impression d’y être… et la recette de la soupe aux poireaux de Marguerite est parfaite ( d’elle j’ai aussi appris à laver le riz pour lui ôter son goût de Cargo) Merci Catherine