#anthologie# 17 Une dernière rencontre avec Xavier ORVILLE / Hommage
par Jean-Yves LEBORGNE
Je vais prendre des nouvelles, missionné par un ami commun que j’ai retrouvé à l’occasion des obsèques de mon père
Je vais me rendre au domicile privé de XAVIER OR…. L’écrivain de Martinique qui a consacré une petite partie de sa vie à enseigner car hispanophone et professeur Agrégé d’Espagnol, il a vécu au Sénégal et fut conseiller aux affaires culturelles du président Senghor de1979 à 1982
Homme mince de haute taille portant bouc-barbe avec des yeux vert foncé ce qui avec le jeu de métissage arrive quelques fois.
Toujours droit comme un I et d’une élégance certaine
C’était l’ami, le « frère » de mon père qui l’appelait l’écrivain poète. Ils avaient collaboré à des entretiens et des soirées littéraires telle que l’émission « les livres de ma vie » dans les années 85/90
Je les avais par chance côtoyé à diverses occasions dans leur moment d’échanges autour du punch traditionnel avant le déjeuner qu’ils allaient partager comme deux vieux amis le font en toute simplicité.
Leur complicité était joyeuse ponctuée de belles envolées d’idées humanistes, d’histoires éblouissantes et d’anecdotes personnelles.
Les meilleurs moments en leur compagnie, pour moi, étaient leurs échanges d’expérience de lecteurs qu’ils étaient toujours demeurés quelque soient les périodes de leurs vies. Ils valorisaient les joies austères de la littérature.
Les écouter échanger dans un langage très châtié et familier à la fois avec la même aisance passer dans la même conversation du français au créole fleuri de légères différences (le créole de Martinique et celui de Guadeloupe vibrent chacun à sa manière)
J’avais pris le temps de lire quelques-uns de ses ouvrages, avoir accès direct à l’auteur motive aussi ; il était publié chez Grasset
Les années ont passé. Il vit sa retraite en Martinique où moi j’occupe un poste professionnel
On m’indique qu’il est alité depuis quelques temps et reçoit facilement ses amis dans certaines plages horaires préétablies. Il est friand d’échanges et de bons mots.
Dès que ces douleurs de métastases osseuses sont calmées par les patchs de Morphine et les compléments d’antalgiques en comprimé.
On se retrouve avec plaisir Il ouvre grand les bras
Son sourire reste intact dans son visage amaigrit. Une certaine bonne humeur persiste
Il occupe depuis son retour du Sénégal vers la Martinique la maison de son père à Case -Pilote.
On y accède par une allée de gravier étalés qui chuinte sous le pas
Son lit médicalisé occupe la pièce principale, la plus vaste.
Cela est bien plus pratique pour le service d’HAD
Les commodités sont disposées de manière discrète au bout d’un couloir et un système de paravent brise la vue vers les autres pièces de sa demeure.
On a agrémenté de manière originale l’espace
On oublie qu’il y règne invisible cette maladie dont l’issue est certainement la mort
La mort, il en parle avec détachement et sans peur
Il parle beaucoup d’amour aussi. L’amour comme moteur de la vie
En répétant à sa jeune épouse mère de son fils toute son affection. Elle se tient-là attentive et discrète.
Durant toute la durée de présence de l’infirmière il s’enquière de son fiancé et de leurs projets en lui délivrant des conseils protecteurs pour sauvegarder ce qui a ses yeux maintenant qu’il approche de ses derniers jours est fondamental l’amour.
Il se dit être la preuve vivante de la force de l’amour et de la grande brièveté de notre passage sur terre. Il regarde longuement et tendrement son épouse. Il a depuis longtemps mis son cœur entre ses mains.
Xavier met toujours les gens à l’aise.
- Pour n’avoir aucun regret, dis à ceux qui comptent pour toi que tu les aimes.
Vous tous, faites-le sans limite. Croyez-moi Jetez-vous à l’eau et dites vos sentiments
C’est l’émotion et le joyau le plus précieux quand on croit l’avoir trouvé.
L’AMOUR C’EST L’IDEE QU’ON S’EN FAIT
C’est l’effet qu’il provoque dans votre cœur, c’est la sublimation de l’objet de son amour
Je lui ai demandé l’autorisation d’enregistrer ses propos puisqu’il n’avait plus trop la force d’écrire comme avant la maladie.
Ce qu’il accepta bien volontiers
Le dictaphone joue très bien son rôle et ses propos m’ont marqué de façon indélébile.
Ses paroles résistent à l’usure du temps dans ces deux titres par exemple « La tapisserie des temps présents » et « l’homme aux sept noms et des poussières »
Il racontait cette veillée où le décédé observait avec humour sa propre soirée, tout défunt qu’il était et appréciait l’évènement. Prémonition ?
Il écrivait dans un autre ouvrage : « il est difficile de mener sa vie en ce monde quand on change de nom sans cesse, faute d’en avoir un à soi… »
Sachant son affection pour Cervantès et Aimé CESAIRE je lui ai fait avec déférence lecture de quelques passages
—La quête de l’idéal de chevalier à la triste figure Don Quichotte s’éloigne du prosaïsme de la banalité quotidienne. Il est à la fois fou et sage a-t-il commenté
Reposant la tête sur l’oreiller profond un pauvre sourire persistait jusqu’à ce que la douleur revienne et que la respiration s’accélère
Jusqu’à son dernier souffle Il jetait un regard lucide et fraternel sur ses congénères.
Jean-Yves LEBORGNE