Dans la boutique d’une aire d’autoroute, quelque part en France. Il est tard dans l’après-midi, l’endroit est relativement calme. J’entre, fatiguée après plusieurs heures de route, j’ai besoin d’un café, de quelque chose à grignoter. Devant moi à la machine à café, une dame brune, les cheveux mi-longs, vêtue de manière décontractée, attend que sa boisson finisse de couler. Comme si elle sentait ma présence et qu’elle voulait s’excuser de me faire attendre, elle se retourne légèrement, je découvre son profil, je la reconnais tout de suite, c’est elle : Chantal Akerman. Mon coeur s’emballe, mes jambes flageolent, j’hésite, je ne veux surtout pas l’importuner mais échanger quelques mots avec elle me ferait tant plaisir. Elle récupère sa boisson, se retourne, me sourit, me laisse la place devant l’écran, je lui souris, je prend mon courage à deux mains, je me lance:
Moi : Excusez-moi, êtes-vous Chantal Akerman ?
Chantal Akerman : Oui, c’est moi. Je ne m’attendais pas à être reconnue ici, vous êtes cinéphile ?
Moi : (enthousiaste) Absolument. J’admire beaucoup votre travail. « Jeanne Dielman » a été une révélation pour moi. Votre manière de capturer le quotidien, d’ausculter la féminité, d’explorer le temps et l’espace, votre radicalité, je vous assure que découvrir Jeanne Dielman a été un choc pour moi, il y a eu un avant et un après.
Chantal Akerman : Merci. C’est toujours agréable de rencontrer quelqu’un qui apprécie et comprend mon travail. (silence) Que faites-vous sur cette aire d’autoroute ?
Moi : Je fais une pause, je commençais à m’endormir au volant, j’avais besoin de me dégourdir les jambes et de prendre un café. Et voilà que je me retrouve comme dans un rêve. J’aime vos films, ils m’ont tant appris, ils m’ont fait découvrire qu’on peut dire beaucoup avec peu de mots, simplement par les images et les gestes.
Chantal Akerman : (acquiesçant) C’est vrai. Je crois beaucoup à la puissance des silences et des moments apparemment insignifiants.
Moi : Merci Mme Akerman, vous m’avez appris à voir la beauté et l’indispensable dans l’ordinaire de la vie. Quelle richesse !
Chantal Akerman : Suis ravie que vous y soyez sensible, lancez-vous, si vous avez une histoire à raconter, faites-le, faites le avec sincérité. C’est ce qui touchera les gens, faites-le.
Moi : Merci Mme Akerman, pour votre conseil, votre écoute, votre travail, votre talent et ce moment passé ensemble.
Elles échangent encore quelques mots avant de se séparer. Cécile quitte la boutique avec un sourire aux lèvres, Chantal se dirige tranquillement vers les toilettes .
moi c’était rue Rambuteau, elle sortait d’un resto avec Colette Kerber et allait à Beaubourg pour je ne sais plus quoi…
Intéressante forme dialoguée, ça c’est une chose sur laquelle travailler le dialogue… Pas pu assister au zoom, j’ajouterai dans le patreon, ou un mail. Hommage réussi (irez-vous au jeu de paume, à partir de septembre ?)