debout sur la scène à hauteur de danseur elle est de profile – il semble qu’elle parle toujours de profile, un profile anguleux et doux et enfumé, et sec, il semble qu’elle est en plan fixe, elle est étirée, toujours appelant le plan, de profile, elle fait face aux danseurs à hauteur de profile, elle sourit légèrement elle concentre la présence de son visage dans ses mains, ses mains sont horizontales, elle esquisse les gestes elle esquisse doucement les gestes des danseurs en ronde devant elle, sa cigarette fume, elle esquisse les gestes comme posé sur le rythme de la ronde, à peine effleurés en rythme parfait elle sait les gestes, elle est posé sur le bord de la scène elle est éphémère, elle sait – je me souviens d’elle dansant Café Müller, de m’être dit cette femme sait, elle a ce trou dans le ventre, elle parle depuis le trou, les yeux fermés, il semble qu’elle retourne la faillite du corps et la détresse du langage. elle regarde et elle sourit, elle demande ce qui nous vient à l’esprit quand elle dit le mot amour, elle est debout au bord les épaules un peu accablées, elle demande avec son profile étiré, elle demande de faire quelque chose dont on soit fier, elle demande, et on chante The man I love avec les mains, on dit qu’on est fier d’avoir appris les signes, elle reprend les gestes du langage, elle sourit de profile, elle répond à la question, elle sourit et elle répond lots of strength and love à la question qu’elle a oublié, elle nous regarde, elle répète lots of strenght
Un jour Pina a demandé, Chantal Akerman, 1983