« Un samedi après-midi, vingt-quatre décembre, il y a quelques années.
Cinq étages plus bas, dans la rue piétonne, de nombreux passants. Une rumeur de foule. Mais cette rumeur de foule ne me dérang[e] pas. Je [suis] installé à ma table de travail.1 » Moi non plus la rumeur de foule ne me dérange pas pour ce que j’ai à faire. Au contraire. Personne ne me voit. Dehors il fait froid mais je n’en souffre pas, assise sur un banc dans la rue piétonne, à l’observer cinq étages plus haut. Charles Juliet est timide ou d’une grande modestie. Il semble vivre à l’écart du monde et pourtant son œuvre m’a ouvert les yeux. Il économise sa voix pour écrire, recherchant l’instant où la parole se lève pour la coucher sur le papier de son écriture fine et nerveuse. Je remarque que la fenêtre est entrebâillée malgré la rigueur du temps. Ce n’est pas la froidure de l’aube qui l’effraie, c’est la froideur des hommes. Leur méchanceté. Par moments, la mousseline du rideau ondule légèrement, j’ai l’impression qu’il se lève et s’approche de la fenêtre comme pour jeter du sel aux anges. Sous d’épais sourcils noirs, ses yeux caves mangent son visage émacié tourné vers la rue. M’aura-t-il seulement aperçue ?
1 Charles Juliet, Trouver la source, Editions Paroles d’Aube, 1992
J’aime aussi beaucoup Charles Juliet…. Cette proposition offre des textes très émouvants. Comme l’exemple d’Emily Dickinson, j’aime l’idée de ces écrivain.es reclus.es que notre œil de lecteur entr’aperçoit. Et à qui les textes rendent hommage.
J’avais besoin de cette discrétion.
On espère qu’il l’aura aperçue et qu’ils pourront ajouter un lambeau joyeux à leur existence !
Merci pour le lambeau.
Beaucoup de tendresse pour Charles Juliet. Merci Cécile.
Il s’est imposé à moi avant la fin de la vidéo de François
très beau… et quelle belle idée que de surprendre le grand Charles Juliet tout en finesse, tout en silence…
bravo…
Très important le silence. Merci Françoise
Cette fenêtre entrebâillée malgré la rigueur du temps, magnifique !
« Ce n’est pas la froidure de l’aube qui l’effraie, c’est la froideur des hommes. Leur méchanceté »
Merci