Ça m’est revenu quand j’ai vu le film avec Michel Piccoli, bien longtemps après sa sortie, un film culte Hélène m’a dit, alors pourquoi pas, on y va… À l’époque je l’avais raté et puis je sais pas si ça m’aurait fait pareil. Comme si j’avais tout effacé sans comprendre. Dans le film on voit bien comment c’est très long et puis non. Il y a la voiture qui arrive au bout de la route, à toute allure, je sais pas la marque, elle est grise et devant sur la grille une sorte d’écusson. L’homme qui conduit a la cigarette aux lèvres (ils ont presque tous la cigarette, pas comme maintenant ou c’est découragé) il est assez bronzé, il a l’air, je sais pas, assez content. La route est déserte, elle ondule un peu, c’est plein soleil, ciel bleu. D’autres images font voir encore un homme sur une sorte de mobylette, un camion qui transporte des cochons, un carrefour, un autre camion encore. On sent bien que tout ça va se rejoindre, enfin on a l’impression. C’est paisible encore, le type sur son solex, et puis le camion des cochons cale, le chauffeur essaie de redémarrer, pas moyen. On le voit qui essaie essaie s’énerve. L’autre camion se coince à côté un peu derrière. C’est là qu’arrive la voiture à toute allure. Ça s’emballe et ça se ralentit à la fois c’est ça qui… On voit longtemps les visages des chauffeurs qui se regardent à travers les fenêtres juste avant que la voiture percute le camion ; après elle part en tonneau, elle va s’écraser contre l’arbre. Entre toutes ces images il y a des gens qui racontent : s’il était pas arrivé si vite, si t’avais pas calé, si le caniveau avait pas tout fait retourner ; et puis toute la scène est repassée à la vraie vitesse, d’un coup, et là c’est plus rien que des secondes. C’est exactement comme ça que ça s’est passé pour nous ! On a eu au début de l’après-midi des coups de téléphone qui arrêtaient pas, des journalistes, des gens qui racontaient la voiture fracassée contre le platane, là que j’ai compris que c’était pas n’importe qui, des importants. Un écrivain ou un philosophe. À la mauvaise place au mauvais endroit. Trop vite ils disent et le pneu qui éclate dans la ligne droite. Débordée par tous ces appels à la mairie et puis après organiser la veillée dans la grande salle. Lui je l’ai pas vu vraiment et surtout je préfère pas. Il était sous le drap blanc en plein milieu et les gens venaient qui connaissaient pas mais avaient entendu parler, le préfet, le maire, et d’autres du village qui savaient. Moi je suis restée à côté un moment, au début, avant que trop de monde… Je savais pas quoi penser. Je trouvais ça triste bien sûr, si jeune on disait… Et puis les émotions de tous ces gens ça me montait dessus comme les fourmis. Un moment je crois que j’ai pleuré je sais pas vraiment dire pourquoi. Dans la nuit j’ai entendu son nom, je sais pas combien de fois ! Aujourd’hui quand j’ai vu le film je me suis demandé pour la première fois ce qui s’était passé, si c’était vraiment comme ça, qu’il aurait tout vu très vite et très lentement à la fois.
Revivre cette scène culte, de ce film non moins culte. J’ai écrit à plusieurs reprises autour de cette scène (aussi ciné-poème), merci pour cet hommage là