Je l’ai retrouvé à l’auberge du Lapin Blanc en plein cœur de Forcalquier son pays comme disait Pierre Magnan, ce coin du monde qu’il chérissait tant. Il se tenait tel que je l’avais imaginé ses yeux bleus pétillant d’une malice presque enfantine défiaient les années, cette tignasse blanche qui semblait danser au rythme du mistral. Il portait une chemise à carreaux celle des homme de la terre et un pantalon de velours côtelé usé par le temps et les promenades. Devant lui un verre d’ Henri Bardouin élixir de cette région trônait fièrement, le liquide ambré reflétant la lumière douce de l’après-midi. L’odeur anisée mêlée aux effluves de thym et de Romarin emplissait l’air rappelant que la distillerie n’était qu’à quelques pas enracinée dans cette terre de saveurs. Sans un mot Pierre m’invita à le suivre dans ces andrones qu’il parcourait comme un livre qu’on connait par cœur, ruelles étroites et sinueuses véritables artères du village leurs escaliers de pierre nous menaient de surprise en surprise chaque détour nous révélant un pan de l’histoire secrète de la Haute Provence et des énigmes de ses livres – La Folie Forcalquier – parfois couvertes de maisons comme il en existe à Sisteron ou Digne des abris précieux pour polissonner les jours de pluie. Si une voûte s’ouvrait elle dévoilait un cocon, vestige d’un temps où le quotidien se déroulait à l’abri des regards et où les anciens complices invisibles chatouillaient nos oreilles de souvenirs. Comme pour se ressourcer, Pierre s’arrêtait ici ou là touchant du bout du doigt des murs, un lien avec son passé, passage vers un monde où se mêlent et se répondent réalité et fiction.
Une fois arrivés à la citadelle il me parla de ce pacte scellé entre lui et jean Giono, un partage tacite de rivières traversaient leurs âmes la Bléone pour Magnan la Durance pour Giono une ligne de vie qui les unissait à cette terre source d‘inspiration, Manosque où ils étaient nés tous les deux.
Au loin se dessinait Montfuron, j’y avais autrefois habité un lieu cher à mon cœur, on entendait disait-on le chêne du Castella hurler à la mort les nuits de tourmente ; et en poussant plus loin encore jusqu’à Montjustin, nous arrivâmes au cimetière ; sous l’ombre bienveillante d’un olivier, nous rendîmes hommage à Henri Cartier Bresson, son esprit photographique planant sur ces lieux où la lumière et l’ombre joue leur éternel ballet.