#anthologie #17 | Café de Flore


Elle vient d’entrer dans le café. Elle est plus en retard que d’habitude, une quinzaine de minutes après son heure d’arrivée habituelle. Cela ne lui ressemble pas, elle est toujours là à vingt, le temps probablement qu’il lui faut entre son appartement qu’elle a quitté à pile et le café dans lequel elle entre à vingt. Une petite marche matinale qu’elle doit rendre plus longue par un détour dans le jardin du Luxembourg, ou en allant visiter quelqu’un. Mais aujourd’hui elle est en retard, elle est arrivée à trente-cinq. Elle s’assoit à la deuxième table contre le mur de gauche, sur la banquette, tournant le dos ainsi au miroir et donnant une vue sur la porte d’entrée. Elle n’enlève rien, elle reste dans son léger manteau, le cou recouvert par son écharpe, ses chevilles recouvertes par ses bas opaques. De manière curieuse, elle ne porte pas son turban. N’a-t-elle pas eu le temps de le disposer sur ses cheveux ? Maintenant qu’elle est installée, je me précipite vers sa place, le café sur le plateau. Ses yeux rencontrent les miens, je la salue, salut qu’elle me renvoie par une légère inclinaison de sa tête. Un frisson me parcourt, j’ai l’impression d’obtenir d’elle une forme d’approbation, peut-être que le mot est un peu fort, pour la première fois. Notre première rencontre avait été catastrophique : je lui avais demandé ce qu’elle désirait. Elle n’était pas habituée aux nouvelles, elle ne voulait pas s’habituer aux nouvelles, elle avait cherché des yeux un serveur qui la connaissait. Depuis, je m’étais renseignée. Aujourd’hui, sur son visage sévère, je crois percevoir une forme de préoccupation. Elle porte doucement son café à ses lèvres. « Désirez-vous autre chose ? » Elle lève les yeux à nouveau vers moi, étonnée. « Non, merci. » Son débit est brusque, franc. Les deux termes dépendent sûrement de l’interprétation de l’interlocuteur. J’aurais tendance à employer brusque.

3 commentaires à propos de “#anthologie #17 | Café de Flore”

  1. J’aurai tendance à employer brusque, j’aime ces mots de fin. Quelle jolie scène que tu nous écris là Camille, j’ai tout d’abord pensé quelqu’un qui attendait une amoureuse mais là, c’est plus subtil, plus inattendu, et un point de vue que l’on n’écrit peu finalement. Merci à toi et merci pour tous tes gentils mots que tu as fait sur mes textes, je suis très touchée. Baisers.

    PS : Et le café de Flore, j’adore !

  2. Oups, je m’aperçois que vous n’êtes pas le Camille auquel je pense, je ne savais pas que vous étiez deux, et peut-être êtes vous fille, je m’en excuse mais cela n’enlève absolument rien aux commentaires que je viens de faire sur votre texte. Merci pour votre compréhension et bonne journée.