Rien, pas un mot, pas un son, ne lui venait aux lèvres. Elle savait qu’il ne dirait rien. Il s’était carapaté derrière un silence borné. Son visage replié, le menton tombant sur le cou, les yeux sur sa propre poitrine, la bouche scellée, il ne la regardait plus. Elle savait les mots qu’il lui faudrait prononcer pour qu’il se redresse et que dans ses yeux malheureux, une lueur d’espoir s’anime. Elle connaissait exactement les paroles à dire, les gestes à faire, les émotions à montrer, pour que de nouveau, il se sente fort, puissant, en sécurité. Elle savait tout cela mais elle ne bougeait pas. Elle se tenait droite, loin de lui, le corps tendu comme prête à bondir.
Elle regardait son cou replié, ses épaules tombantes, son dos affaissé et elle sentait monter en elle une violence, une colère, une envie fulgurante de le frapper. » Tu ne dis rien ? » Sa propre voix l’avait étonnée, presque blanche, presque neutre, comme la peur de trop parler, de trop hausser la voix, de le foudroyer avec la langue. Il s’était creusé un peu plus, il était tout recroquevillé, presque dégoulinant. Au tout début, elle s’était imaginé qu’il était timide, introverti et elle l’avait prise dans ses bras pour le consoler mais le temps avait passé et elle savait qu’il n’en était rien. Elle ne céderait pas.
» Tu ne dis rien ? » prononcé sans attendre de réponse. Une terreur l’avait envahie quand elle avait parlé, la terreur de la haine qu’elle ressentait. La haine et le dégoût. Elle le trouvait mou, lâche, souhaitait le faire rouler, le tirer ou le mordre juste pour entendre le son de sa voix crier. Comme à chaque fois pendant longtemps, elle s’était approchée de lui, avait murmuré dans son oreille, avait caressé ses mains, avait mis ses yeux dans les siens mais là rien. Il ne dirait rien elle le savait le connaissait mais ne bougeait pas.
D’une voix douce, il s’est mis à parler. Ses mots avaient le goût de l’amour, le goût du pardon, le goût de lui pour elle. Il a dit ce qu’il ne lui avait jamais avoué, il lui a fait entendre ce qu’elle attendait et qu’il n’avait jamais osé lui confier. Les mots sortaient lentement de sa bouche. Il s’était redressé et la regardait. Il parlait comme il ne l’avait jamais fait et maintenant, il était entièrement debout, à lui adresser ses secrets. Elle avait baissé les yeux, n’osait plus le toiser, son corps à elle s’effondrait contre le mur contre lequel elle se tenait. » Tu ne dis rien ? » lui avait-il murmuré, à son tour. Elle se taisait.
texte puissant, bien planté et le retournement !
merci pour les sensations et les émotions éprouvées
Bravo
Merci Cécile, je ne savais pas pourtant où j’allais vraiment mais les personnages sont arrivés et ont tout fait ! je t’embrasse.
ah ! le retournement de situation ! bien vu ! (je réalise qu’au-dessus Cécile B. dit la même chose…) « Soudain » annonce le changement, la « modification » j’ai envie de dire, et s’il y avait un paragraphe entre les deux derniers, pour amener à ce changement, sans le « soudain »… ce serait peut-être pas mal ! Merci Clarence pour ce beau texte !
Je n’ai pas ajouté de paragraphe mais j’ai enlevé le Soudain et c’est mieux, merci pour la proposition.
Laisser l’espace à l’autre…
Très beau texte ! merci.
Merci, à vous découvrir bientôt.
quel retournement de situation ! c’est superbe
j’ai noté « le goût de lui pour elle » et quelques autres petites choses magnifiques…
Chère Françoise, merci, oui cette phrase m’est venue et c’est vrai qu’elle est belle, bonne journée.
Rétroliens : #anthologie #29 | La porte entrebâillée. – le Tiers Livre | écrire, publier, explorer