Elle est appuyée contre l’encadrement de porte, la poignée s’enfonçant dans le bas de son dos. Elle a annoncé le motif de sa venue et attend avec un léger sourire, un peu mal à l’aise, les deux bras croisés sur la poitrine. Le bas de son pantalon humidifié par les herbes du jardin, la cuisine surchauffée par le poêle de cuisson, la toile ciré aux couleurs criardes, la poussent à vite reprendre le chemin dans le sens inverse.
Elle la dévisage. Son regard insiste sur la forme enfantine de son nez, la couleur de ses yeux, balaie sa silhouette du front jusqu’à ses pieds emprisonnés dans des baskets puis relève la tête. A plusieurs reprises, le visage, les yeux, les mains, les boucles de ses lacets, sans véritablement les regarder. « Tu viens cherchez des œufs ? lui demande t elle de répéter. Tu comptes rester encore longtemps sur le pas de la porte ?». Elle insiste. Elle veut la regarder de plus près.
Elle s’est assise sur le bord d’une chaise. Et l’envie de partir, vite, sans rien dire, ouvrir la porte, respirer fort, fort, s’éloigner à grands pas. Penchée sur la toile cirée, elle s’applique à ôter la terre emprisonnée sous ses ongles à l’aide de la pointe d’un couteau. Elle n’ose lui répéter ce qu’elle vient chercher. A-t-elle oublié de dire bonjour ? Une formule de politesse ? S’est-elle trompée d’habitation ?
Ses yeux dans les siens ont ravivé… elle ne sait quoi. Il faudrait lui demander son nom, son âge, le nom de ses parents, le lieu d’où elle vient, où elle est née, mais elle est trop jeune pour être de ses souvenirs, assez jeune pour avoir peur de ses questions, de son nez busqué, ses yeux minuscules.
