Elle lui parle. Ça le surprend. D’habitude, c’est lui qui parle le premier, lui qui s’adresse aux femmes. Elle lui parle sans peur, elle le regarde dans les yeux. Une réplique lui vient mais c’est une femme. Alors il se tait. Il a les mains dans les poches de son pantalon, la casquette rabattue sur les yeux. Il est plus grand qu’elle. Elle le regarde le menton levé, la tête légèrement penchée sur la droite, une petite moue amusée. Il n’aurait pas penser l’aborder, pas son genre. Elle s’est retournée, s’est plantée devant lui. C’est pas une poule. Il les reconnait de suite les poules. Elle lui parle comme s’ils étaient deux gamins qui se rencontrent dans une maison où les parents sont réunis. Dans la poche droite, sa main caresse son surin pendant qu’il l’écoute. Il en tâte la dureté. Aurait-elle peur si elle savait qu’il pouvait la saigner? Il se demande ce qu’elle veut. Elle ne veut rien. Elle lui parle, lui sourit, comme une gosse. Il reste à distance. Depuis qu’elle lui parle, ils sont restés sans bouger, exactement à la même distance. Il pourrait lui poser la main sur l’épaule, elle pourrait lui poser la main sur la poitrine. Il ne se passe rien. Elle parle. Il écoute. Il caresse son surin. Il voudrait lui proposer d’aller boire un verre. C’est toujours ce qu’il fait. Devant elle, il ne fait rien. Si, il sourit aussi comme il ne sourit jamais. D’habitude, son sourire est carnassier, conquérant, ou cynique. Pas devant elle. Elle se met à chanter. À bouger les bras, les hanches. C’est à ce moment là qu’il voit sa taille fine. Elle fait demi-tour, lance la tête en arrière et s’en va. A quelques mètres, au moment de descendre sur Belleville, elle se retourne, lui crie salut marlou et le salue de la main. Il reste encore un moment, seul, sans bouger, se demandant ce qui’il lui arrive, mains dans les poches à caresser son surin, avec un léger balancement de la tête, une moue de surprise, le front plissé et le regard tourné vers le bas du boulevard de Belleville,
5 commentaires à propos de “#anthologie #16 | salut marlou”
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Quelle scène! Tout ce qui se joue dans le non dit…beaucoup aimé
C’est bizarre. J’ai bien aimé la produire aussi, sans en avoir la moindre idée initialement.
C’est ça qui est bien….
Une scène de film: on ne sait pas l’avant, ni l’après, mais cela scotche à l’écran! Très agréable à lire.
oui Solange, ça pourrait être le début ou la fin d’un film. Et peut-être y aurait-il eu un début ou une fin