Elle est assise devant la table ronde, concentrée. Elle prend chaque photo d’une boîte, la regarde, la retourne, la pose sur un des tas qu’elle a constitué. Un manège, l’une après l’autre, elle regarde, elle retourne, elle pose. Elle reprend parfois la photo qu’elle vient de poser, elle l’approche de son visage, soupire, sourit, la replace sur une autre pile. Elle enlève ses lunettes, se frotte les yeux, son regard s’éloigne en face, s’échappe de la pièce par la baie vitrée, ses yeux brillent.
Elle sait qu’il faudrait poser les questions, elle n’a pas la patience. Il faudrait demander, savoir qui, quand, où. Pouvoir se heurter à l’oubli, avoir la force d’entendre les hésitations, les contradictions, les incohérences. Il faudrait patiemment écouter, tendrement questionner. Être forte, pouvoir supporter les plaintes, les larmes, les regrets ravivés et les joies aussi. Savoir consoler. Elle n’est pas certaine de pouvoir.
Elle n’ose pas demander. Elle n’ose pas questionner. Elle ne sait pas ce qu’elle laisse filer, se perdre. Elle ne veut pas blesser, elle contient ses questions, elle ravale son désir de fouiller et se contente de ramasser les photos qui parfois tombent.
La peur, fuir le trop d’émotions, les paroles jamais prononcées, les réponses qu’on ne veut pas d’entendre. Remuer, explorer, exhumer. Elle sera paralysée. Elle peut aider à ranger les photos dans la boîte, elle peut rassurer sur le déjeuner, vérifier si la pluie s’est arrêté, répéter la date et le prénom de ses enfants, et oui elle a vu le chat ce matin. Elle peut rester assise dans sa brume à la table ronde.
Beaucoup aimé vous lire. Merci !
Merci Emilie.
Merci pour ce texte si expressif . Si silencieux et visuel . J ai beaucoup aimé .
Merci Carole.