Il est assis dans le fauteuil, les bras croisés, le regard fuyant. Toute son attitude dit « non non non, je ne veux pas être ici, je ne veux pas te parler ». Il est massif, inquiétant de force ramassée, hostile avec ses sourcils foncés.
Elle sent qu’il faudrait le calmer, lui demander ce qui ne va pas, lui dire un truc rigolo pour le dérider, un « On va se détendre, ça va bien se passer », un « Ben alors, t’as des soucis ? » ou un « Pète un coup, ça ira mieux ! » Oui, il faudrait qu’elle ose la légèreté, la compassion, la vulgarité même.
Mais elle n’en a pas le courage, elle se demande même comment il réagirait, elle a un peu peur d’une phrase méchante, d’une réaction violente, Elle devrait plutôt se lever et partir, mais si tôt après être arrivée, ce serait trop impoli. Il faut rester, elle sent une envie irrépressible de meubler.
Alors elle sent que cela monte – non, elle ne va pas ? et puis si, tant pis, et elle se met à parler de la météo, il fait un temps pourri en ce moment, il fait beau et puis il pleut, il fait chaud et puis on frissonne, elle n’en peut plus, elle voudrait juste s’arrêter et avoir la dignité de partir ou trouver les mots justes, mais impossible, ça continue, les mots arrivent trop vite pour qu’elle ait le temps de filtrer, de modifier, de changer quoi que ce soit, elle sent bien qu’il doit la juger, avec ses sourcils froncés, juger l’inanité de sa conversation, mais c’est plus fort qu’elle, et ça continue, et plus il reste immobile le bras croisés, et plus elle débite sa météo.