#anthologie #16 | jardinage

Il était agenouillé dans la terre ; ses ciseaux cliquetaient. Il avait gardé cette attitude d’enfant qui ne comprend pas comment ce peut être si différent selon que l’on regarde de loin ou de près. Il aimait les deux perspectives, mais l’entre-deux le mettait mal à l’aise. Comme si le réel se brouillait. Quelques froissements de tissu, le cliquetis du métal. C’était tout.

Il savait qu’il entendrait son approche, mais qu’il feindrait l’ignorance pour ne pas avoir à parler le premier. Il assouplirait le pas, observerait le vol des ciseaux. Entre deux étincelles, il forcerait l’air en dehors de la gorge : « Comment va votre fils ? » Il verrait les muscles se tendre, les vertèbres se tordre pour que les yeux voient. Pas de rouge sur les joues, plus depuis des années ; c’était plus profond que ça.

Les idées défileraient devant la question trop vaste. Il se souviendrait ne plus avoir le droit de se cacher derrière ce verre dépoli. Il essuierait ses mains, une ou deux fois de trop.

Il pourrait voir le ressort se tendre. Il y avait là un homme bon. Un ami.

A propos de François Tastet

J’ai trente-deux ans et j’enseigne les sciences naturelles à Paris. J’ai grandi dans la région bordelaise, près de l’océan. C’est la discipline de fer dont j'habille ma pratique de l’écriture qui apaise mes démons, règle mes journées et me fait voir le beau. Pour écrire, il me faut : lire, aller au cinéma, marcher seul loin de la ville et savoir mon corps capable de mouvements compliqués. Certains de mes textes ont été édités dans des revues à très petit tirage. Je brouillonne dans des cahiers d’écoliers dont on peut consulter certaines pages ici https://cahierdetravauxpratiques.notion.site/Cahier-de-travaux-pratiques-v-2-711e5b0ec46f45889271102f9b69e8e8.

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