La jeune fille était entrée avec les autres, s’était assise dans le cercle au bord de la chaise. Elle se tenait droite. Mais qu’est-ce que je fais là ? Un bout de langue apparaissait régulièrement aussitôt ravalé par la morsure légère des dents sur la lèvre inférieure et son menton tremblait. La femme avait proposé un café, un thé. La jeune fille regrettait d’avoir refusé, elle aurait su quoi faire de ses mains. Elle les sentait devenir énormes, elle n’osait pas bouger de peur qu’elles se décrochent et tombent. Mais qu’est-ce que je fais là ? La femme l’avait vue entrer, elle avait senti la tension du corps, le regard fragile. Elle aurait voulu prendre le temps de la rassurer, mais déjà quelqu’un d’autre arrivait, Bonjour ! Bonjour. La femme avait proposé que chacun se présente : prénom, expérience, qu’est-ce que j’attends de ce stage, Il suffit que quelqu’un commence, avait-elle ajouté. La parole circulait de manière fluide. Mais qu’est-ce que je fais là ? La femme accueillait les mots de tous mais son attention était retenue à présent par le tremblement du menton de la jeune fille, les paumes moites des mains creusant les cuisses, le regard plein d’effroi fuyant au fond du crâne au fur et à mesure que son tour approchait, le rouge lui montait aux joues, des gouttes de sueur perlaient à la racine de ses cheveux. La femme tout en remerciant la personne qui venait de se présenter, s’imaginait se lever, elle poserait les mains sur les épaules de la jeune fille, qu’elles descendent, dégagent le cou, que le menton se lâche, que la tension des yeux s’apaise, qu’elle respire oui qu’elle respire. Tout va bien. Ça va aller. Elle la remercierait d’être venue, saluerait son courage, lui dirait que si tous veulent être là, rester, être choisi, c’est elle qu’elle choisirait, a choisi, choisira parce qu’elle sait d’expérience que les plus grands timides font les plus grands artistes.
Très joli « Les plus grands timides font les plus grands artistes »
j aime ce texte où La fragilité est tellement bien exprimée ! et la chute magnifique . merci Françoise.