Elle est ramassée sur elle-même, assise sur le canapé. Les bras enserrant les genoux. Le visage tour à tour enfoui, ou bien, regard fixe, vide, noyé, traversé d’affolements soudains. Un dedans inaccessible au dehors. Le corps est immobile, les dents serrées, le ventre noué, tendu vers une impossible fuite, englué dans l’angoisse. On aurait dit que le corps voulait prendre le moins de place possible. Disparaitre, s’effacer.
En face d’elle, elle la regarde et peut sentir son angoisse par tous les pores de sa peau. Elle connait cet état. Le corps et l’âme englués. Elle sait aussi l’impuissance, en face, de celui ou celle qui voudrait tant l’arracher à cet état. Car plus rien n’existe que les dents serrées et le ventre noué. Et l’épuisement qui suivrait. Elle esquisse un geste, se ravise. Attend. Le ventre noué, elle aussi. Le corps tendu vers.
Et puis en face, tout soudain, le corps secoué par les sanglots. Le corps jusqu’alors immobile abandonné tout entier au flot des larmes.
Alors elle se lève. Elle n’hésite plus. Elle est ce corps. Elles sont ces larmes. Elle s’assoit à côté d’elle sur le canapé. Elle prend si peu de place, se dit-elle. Et elle l’entoure de son propre corps à elle, elle lui caresse le dos, la nuque, les bras, tout ce que le corps offre encore à toucher, embrasser, caresser dans le chaos des sanglots. Elle ne sait pas combien de temps ça dure. Les larmes tarissent. Peu à peu. Elles ont quitté l’espace de la terrasse. Le corps s’abandonne. Elles ont quitté le temps de cet après-midi de juin. Le corps de l’une finit par s’abandonner dans le corps de l’autre. Corps bercés. Et on ne sait plus qui de l’une ou de l’autre berce l’une ou l’autre.
Waouh !
Ce face à face, chacune dans la tension, le dur… puis ce double elle qui ne fait qu’un. Superbe !
Et de l’angoisse, les sanglots, le corps dans la douleur à la caresse, la douceur, porter, protéger, accompagner. Beau.
Merci Annick pour ton message. Très très touchée par ta lecture sur un texte qui me tient à coeur !
J’ai été bouleversée par ce que le texte dit-sans-le-dire de l’expérience commune en amont, celle qui noue le ventre et fait serrer les dents, qui désincarne le corps de lui-même… alors on n’est pas trop de deux pour réhabiter soi à nouveau. Merci.
Merci Sophie pour ta lecture ! Émue !!! Et je commence à découvrir à mon tour ton écriture et ton univers . Quelle aventure nous vivons !