XI – A quel moment auras-tu à nouveau la force (le courage) d’ouvrir la porte pour explorer ce capharnaüm rempli de livres et la femme sera-t-elle encore là ?
Dès ton retour. Vite, vite ouvrir la porte avant de ne plus en avoir le courage, avant de décider que non, avant d’hésiter… Elle était toujours là recroquevillée dans son fauteuil.
Elle te regarde, tu la regardes. Vous ne parlez pas. Cette fois encore tu remarques qu’elle a quelque chose de doux dans le regard.Tu ne sais pas comment engager la conversation. Tu ne sais même pas si sa présence est rêve ou réalité. Si tu lui parles, tu as peur qu’elle s’envole. Ton regard fait le tour de la pièce. S’arrête sur le bureau. Tu tentes : Ah le journal de Virginia Woolf, un grand livre, mon livre préféré. Tout de suite tu regrettes, ton livre préféré, quelle banalité. Rien d’autre tu n’as trouvé à dire sur ce chef d’œuvre de la littérature. Elle ne te répond pas, sourit timidement. Finalement le silence te va bien, tu aimes partager son univers. D’un geste elle t’invite à faire le tour de la pièce, elle te montre les livres, t’exprime d’un geste que tu peux en emporter chez toi. Beaucoup de livres écrits par des femmes. Tu as envie de lui parler, lui demander conseil, tellement de livres, difficile de choisir. Tu aimerais essayer de comprendre qui elle est. Tu formules des questions dans ta tête. Et puis non, tu n’oses pas les dire à voix haute. Tu sens que ce n’est pas le moment. Tu as l’impression que essayer d’apprendre à se connaître par les livres, elle et toi, ça ne peut pas être autrement. Tu ne peux t’empêcher de dire : Vous pouvez me… Elle t’arrête, met un doigt sur sa bouche. Se lève de son fauteuil, s’approche de toi en tremblant. Attrape un livre de poésie. Christine de Pizan, cent ballades d’amant et de dame. Elle semble fatiguée, c’est assez pour aujourd’hui. Tu lui souris, elle te rend ton sourire, un sourire plus franc que tout à l’heure. En arrivant dans ton appartement, d’un coup ça te traverse. Et si elle était muette ? Tu ouvres le livre, en page de garde, un prénom, Léonce.
C’est très beau ce silence qui parcourt le texte. Du silence et des livres.
Merci
Oh merci Françoise pour ce nouveau passage sur ma page et le retour encourageant !
J’aime beaucoup ce monologue, les sourires, les gestes, l’envie, le désir, le silence en transparence. « Tu as l’impression que essayer d’apprendre à se connaître par les livres, elle et toi, ça ne peut pas être autrement »
Et la chute le confirme.
Merci Isabelle et à bientôt le plaisir d’un autre texte.
Merci Marie pour la lecture et ce retour… Peut-être j’écrirai à nouveau autour de ces personnages…. qui prennent vie au gré des propositions