#anthologie #15 | usée

régulièrement cette question, « Vous partez cet été ? »… forcément suivie de silence, de silences au pluriel… des silences de diverses textures, certains méconnaissables, si gonflés de paroles qu’on n’emploie pas le mot silence même quand c’est lui… et le « cet été » accessoire, remplaçable par une autre saison ou un jour en particulier pointé dans ce qui sert de calendrier… rien de spécial, c’est bien étanche, « Vous partez cet été ? », rien à dire après ça, dire au sens de répondre, rien à répondre qui ne soit pas lisse, glissant, amicalement lointain… déjà ailleurs, étrange pan de conversation plastique, étranges pans de conversations plastiques… gestes appliqués et consciencieux de la même gravité que l’éponge qu’on passe sur une table, geste inerte, mécanique… qu’on répète par envie parfois, parce qu’il aide à bercer les idées dispersées, on berce la question, on nettoie la question, on la range… « Vous partez cet été ? », quelques mots fermes renvoyés en ping-pong par « et vous ? », persuadé que l’autre en face pourrait lui aussi être immunisé, implacable et étanche… qu’il n’aura pas de mains ridées à caresser dans une salle commune décorée de drapeaux… qu’il n’aura pas la sensation de faim à l’aube quand c’est de vertige qu’il s’agit… ne verra pas le temps comme une forme dans les nuages, un plumet de pollen, un ciel redécouvert, une joue tiraillée… n’aura pas pour bagage l’idée qu’on ne sait rien, non rien de rien… ce qui est hors de soi compris imparfaitement, évalué imparfaitement, et parfois on trébuche sur de l’inobservable… route infinie, peluche serrée contre le cœur… les claquements d’une coque de bateau tendue sur l’aplat dur des vagues, et la côte, sous les yeux et la tête à peine raide, tressaute… un mur ensoleillé, crucial et bleu, un cheval écaillé sur un manège infatigable rose et vert

A propos de C Jeanney

or donc et par conséquent, je fais ce que j'ai à faire sur mon site tentatives

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