Tu fais quoi ? Dans la vie je veux dire… « Et aussitôt tout se rétrécit »… D’abord avaler la question… On la voyait venir, on la sentait arriver… Elle est sortie toute seule sans même qu’il y pense… Elle était lourde comme un ballon plein d’huile prêt à exploser, au milieu d’un massif de bonnes intentions…
« Et sinon, toi, tu fais quoi (dans la vie)? »…Tenter de digérer la question avec une sorte de soupir souriant pour se donner du mou, du temps, du cœur, pour signifier le vide, pour souligner la stupéfaction… Quoi? On la pose donc encore cette question?… Sérieux?… C’est tout le sérieux du monde dans un point d’interrogation… Faire semblant de sourire pendant que le verbe faire colonise tout le corps, le dos, les mains… Délivrer une liste?… Par quoi commencer? Liste de quoi?… Une pirouette donnerait l’impression qu’on méprise l’autre, et l’autre, parait-il, fait ce qu’il peut…
« Tu fais quoi dans la vie? »… Comment ça?… À bout, tenter un pénible « pas mal de trucs » en dansant avec les yeux et les mains… Il va comprendre… Mais l’autre a vu deux points à la fin de la phrase, et non un point final… L’autre attend… Quels trucs? Combien de trucs? Combien de fois par semaine? Dans quel domaine?… L’autre est prêt à accueillir la charge hystérique d’une vie à faire… Il ne tiendrait pas, personne ne tiendrait…
« Faire semblant de sourire pendant que le verbe faire colonise tout le corps » j’adore ! En effet, nous sommes parties sur la même impulsion !
Quoi? On la pose donc encore cette question?… Sérieux?… C’est tout le sérieux du monde dans un point d’interrogation… Faire semblant de sourire pendant que le verbe faire colonise tout le corps, le dos, les mains… Délivrer une liste?…
Terrible cette question, ton texte est si juste. Merci
« Tenter de digérer la question avec une sorte de soupir souriant pour se donner du mou, du temps, du cœur, pour signifier le vide, pour souligner la stupéfaction… » : c’est exactement cela, vous rendez parfaitement le rapport de domination implicite dans la question. Merci !