Moi, à ta place…. qui parle là ? qui ne sait pas que des mots comme ceux-là, en face de moi, sont…c’est pour toi que je dis ça …dangereux… s’entrechoquent, cognent contre mes tempes, se noient dans ma boite crânienne… le cerveau gauche n’arrive pas à contrôler… le droit est perdu dans un tsunami, le reptilien fait mine de rien, n’en pense pas moins… des mots valise se déversant… dans un torrent boueux dévalant les bords du cou, longeant les épaules, les bras, prenant toute sa puissance au niveau des poignets, jaillissant dans les mains qui façonnent, au pied levé, des poings… fermés… guerriers… prêts à cogner… On est bien éduqué, alors… on inspire… et on ferme les écoutilles. Parce que…la place du marché, la place de l’église, la place Vendôme, celle de la Bastille, même déplacée… on peut les identifier, en faire le tour et plus encore, accéder, dans les livres ou sur les pierres, à leur passé, leur histoire d’hier et d’avant hier. Qui peut savoir qui je suis, Moi, d’où je viens où je vais… Qui peut savoir à ma place ce que j’aurai dû faire, ce que je dois faire, ce que je devrais faire… qui sait où est ma place… dans la société avec ses règles, ses conventions, ses conditionnements, ses sens uniques, ses accès interdits … ma place …dans ma famille avec ses règles, ses conventions, ses conditionnements, ses sens uniques, ses accès interdits… ma place… dans la file d’attente de mes pensées, mes préjugés, mes désirs, mes torpeurs, de mes culpabilités… ma place, personne n’a le droit de la prendre, même pour un instant, comme ça en passant, histoire de donner à voir qu’on sait mieux que moi… comment j’aurai du faire, où je dois le faire, avec qui que quoi je devrais le faire… Je veux choisir ma place à tes côtés ou loin de toi, ma place de cinéma, ma place dans le lit et sur le canapé, la place de mon nom sur la boite aux lettres, sur la couverture de mon dernier livre, ma place au restaurant sans passe-droit, ma place dans le sens du train côté fenêtre, ma place à la table bruyante des repas de famille et des professionnelles négociations, sur les barricades entassées de pavés démontés des révolutions, ma place près de ton cœur et dans tes bras, ma place, aléatoire, dans le couloir, obligatoire, de la mort, ma place au cimetière, sans croix ni bannière, ou celle de mes cendres à répandre…. Je refuse qu’on parle à ma place, qu’on ordonne à ma place, qu’on décrète, qu’on légifère, qu’on taxe et qu’on impose, qu’on dispose…. si la vie est un cirque alors ma place est sur la grande piste à faire rire ou pleurer avec l’Auguste et le clown blanc ou dans les airs, envolée, avec les acrobates insouciants…si la vie est un jeu alors ma place est sur le cheval bleu qui avance, un deux trois quatre cinq six … je refuse de jouer le dé qu’on jette à la volée, et qu’on perd sous la table…je ne veux pas qu’on décide à ma place si… je dois… ou pas…me coiffer, me pomponner, me couvrir l’hiver et me dénuder l’été, rouler à vélo, marcher à pied, tondre ma pelouse, couper mes arbres, cacher mes cernes, décider de me laisser vieillir, me faire soigner, opérer, vacciner, amputer, transfuser, ponctionner, greffer, me laisser mourir…Ma place est si fragile… elle ne tient qu’à un fil, deux peut-être, un blanc un noir, que je tisse régulièrement avec des nœuds marins pour ne pas que ça lâche…n’y touchez pas… et même si parfois vous voyez que je ne sais pas, que je ne sais plus… où est ma place…que je vacille, que je perds pieds, que je glisse, que je vais dans le mur, que je fais du surplace aux carrefours de ma vie…laissez-moi chercher, douter, tâtonner, essayer, échouer, naviguer, me poser, ne rien faire…ne croyez pas qu’à la place où je suis aujourd’hui vous m’y retrouverez demain, à la même place, exactement… vous ne savez rien de moi, rien qui pourrait, même si vos sens étaient aiguisés comme les épines du rosier, vous faire ressentir, juste comme une brise d’été, jamais dans leur immensité, insondable, le poids de mes douleurs, le fond abyssal de mes erreurs, l’espace infini de mes existentielles interpellations, l’incessant va et vient de mes hésitations, le vacarme de mes injonctions, l’acharnement de mes rêves, la confrontation de mes réalités, l’obstination de mes convictions…ne venez pas marcher sur mes plates-bandes, mes prairies cachées et mes déserts enfouis…ne touchez pas à ma place, celle qui est au chaud, en moi…là… où rien de l’extérieur ne peut se laisser voir, mon refuge, mon île à moi… ne cherchez pas à vous mettre à ma place, la place est prise avec son château fort son pont levis cadenassé ses tours gardées… retournez à votre place, et restez-y, celle que je ne connais pas, que je connaitrais jamais…parce que je suis, tu es un autre… que je ne saurais jamais qui tu es, vraiment, au-dedans… pas même toi, mon amour, qui a pris un jour…la place du mort.
Chacun sa place, et les chiens n’auront plus besoin d’être gardés. Le poing levé, je crie ton nom, liberté.
Quel souffle ! J’ai aimé vous lire. Merci
…Merci beaucoup Emilie… oui une grande.. expiration! Votre passage me touche.
« ne croyez pas qu’à la place où je suis aujourd’hui vous m’y retrouverez demain, à la même place, exactement… » Vivre libre ! j’adhère !
… merci ! » j’adhère! » Bienvenue au » club »… brassons brassons ce vent de liberté. Merci.