A tout soudain… c’est ainsi que les mots se sont échappés sans qu’on les contrôle portés par une force invisible, une certitude presque mécanique s’est installée : on s’entendra, on se reverra bientôt, sans détour sans obstacle, le temps sera sans importance il glissera effleurant à peine nos vies une simple parenthèse un battement d’aile imperceptible que rien ne viendra perturber pas de contretemps pas de résistance pas d’erreur possible, comme si rien n’avait changé et que nous n’ayons jamais vraiment quitté cet espace ou tout était en ordre, attendu
A tout soudain… c’était ce qu’il lui avait écrit à la fin du message pas de « au revoir » pas de « à bientôt » plus formel, ce « à tout soudain » portait l’idée d’une proximité, un temps court de retrouvailles proches. Pourtant en appuyant sur « envoyer » il ressentit une gêne, cela sonnait faux comme une promesse qu’on n’était pas sûr de pouvoir tenir. Futur incertain ce mot appartenait déjà au passé
A tout soudain… lui avait-elle lancé presque en riant fermant la porte, le sourire accroché comme une parure les mots vidés de leur sens, murmurés avec insouciance elle dévalait l’escalier sûre de ne jamais revenir
A tout soudain… en quittant la chambre d’hôpital elle avait murmuré ces mots comme une prière où l’intemporel rejoint la fulgurance, l’éternité et l’instant se mêlant en une brève diversion, tout juste une hypothèse
A tout soudain… ces mots glissèrent d’elle légers sans qu’elle y pense comme une dernière caresse, dernière phrase de cette mère à son fils quand elle lui a tendu sa valise en carton comme on tend un souvenir et s’est éloignée vers les bâtiments en briques aux hautes cheminées qui découpaient le ciel