#anthologie #14 | no pain no gain

« No pain no gain », tu crois que tu vas t’en sortir comme ça, à pleurnicher sur ton sort ? Ce qui ne te tue pas te rend plus fort bordel, crois en toi, c’est quand même pas compliqué! Tu crois que la vie c’est un long fleuve tranquille? Moi, j’en ai chié pour en arriver là et t’as vu où j’en suis aujourd’hui? Allez, bouge toi, on n’a rien sans rien.

« No pain no gain », tatoué sur les doigts, pain sur ceux de la main droite, gain sur ceux de la main gauche, il rejoue le révérend Powell, incarné par Mitchum en 1955. Powell a les mains à plat sur la rampe de l’escalier, lui, il serre les poings, paingain, tendus devant lui, rappeur fighter. Il se raconte encore et encore l’histoire de left hand et de right hand, le bien, le mal qui tiraillent en soi. Et surtout le combat pour se sortir de soi, se nettoyer de ce que seul on sait de soi, devenir quelqu’un, un gagnant, quelqu’un qui compte. 

« No pain no gain » sur le tee-shirt trempé de sueur, il saute à la corde, tchitchak, tchitchak, tchitchak, tchitchak, un-deux, un-deux, un-deux, un-deux, un, deux, trois, quatre, un, deux, trois, quatre. Il varie, double passage de corde, rotations latérales, pieds joints, sur un pied, jambes tendues devant, bras croisés. Il fait ses gammes. Pas de boxe, pas de gants, juste une corde à sauter et soi-même, tchitchak, tchitchak, on ne lâche rien, la sueur coule dans les yeux, les cheveux sont collés au front, il pense à Rocky, il pense à son père, il voudrait qu’il soit fier de lui, tchitchak, tchitchak, le tee-shirt colle au torse, devant lui, une affiche d’Ali poing serré, bras replié, impossible is nothing.

« No pain no gain ». Pour un artiste masochiste c’est une esthétique. Il la pousse dans son propre corps, en cherche les limites, de la douleur, de la faim, du froid, de la chaleur, de la contention, du sommeil, de la respiration, de l’intoxication volontaire. De là, il trouve les mots, les sons, les images qui saisissent.

« No pain no gain », tous les jours il écrit. Il se la joue London, à écrire mille mots avant de faire quoi que ce soit, y compris dimanches et fêtes comme d’autres courent dès l’aube. Il peut faire plus mais jamais moins. Comme London il s’impose une discipline de fer, pas un verre avant les mille mots, pas une distraction, rien qui ne relève du plaisir. Il ne publie rien mais s’astreint à écrire. Peut-être qu’un jour on se sait jamais. Mille mots par jour, 365000 mots par an et ça fait dix ans que ça dure.

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