Dès le plus jeune âge, vers les six ans je dirais puisque ça a dû commencer autour du CP, dès les premiers « contrôles » à l’école primaire, quand le monsieur en blouse blanchement scientifique me tendait les dessins en demandant scientifiquement « que vois-tu ? », je savais déjà. Je savais déjà ce qu’il ne fallait pas dire. Surtout ne rien dire. « Je ne vois rien… ». Je ne comprendrais que bien plus tard qu’il ne testait pas du tout ma folie, mais simplement ma vision, pour détecter un éventuel problème oculaire, de type daltonisme ou autre. Mais j’apprenais déjà à prendre une posture qui me semblait de circonstance importante pour n’être pas reconnue comme potentiellement dangereuse, une posture que je ferai évoluer physiquement pendant l’adolescence vers un début de « j’m’en fous » mal assumé, de simples silences dont je laisserai les interprétations se faire sans moi, trop de risques d’être démasquée aussi facilement. Mon premier « j’m’en fous » viendra bien tard, juste après mes dix-neuf ans, lorsque ma mère, apprenant mon départ prochain vers une ville lointaine et à bout de solutions pour m’en empêcher me dira « mais je n’ai pas les moyens pour te payer quoi que ce soit… », je lâcherai un faible « mais je ne t’ai rien demandé… » qui en avait toute la saveur sans encore les vocables exacts.
Mais quand alors ? J’ai beau fouillé, même en re-créations je n’arrive pas à me figurer la première occurrence. Ou alors…si, ça y est, quitte à le tordre un peu. C’était en cours de mathématiques, avec Madame Fab., celle dont tout le monde se méfiait et m’avait dit de me méfier. Hélas, je n’écoutais déjà pas à l’époque. J’étais, j’ai toujours été, et j’aime à penser que je serai toujours sans aucune preuve ni argument scientifiquement démontré ou démontrable, un petit génie des maths. Ou plutôt, comme le disait Madame Fab. : « de la mathématique, pour ceux qui ont un peu d’ambition. ». Elle m’avait donc repéré comme elle repérait tous les ans d’éventuels apprentis. Elle leur faisait une cour mathématiquement correcte pendant l’année de seconde pour les casser du plus haut podium possible en première scientifique. Je ne m’étais pas du tout méfié. Pour une fois que quelqu’un me faisait des compliments qui semblaient « corrects ». Passés quelques mois de traitements de chien à la maison comme en cours, je me retrouvais lasse dans cet après-midi moite de début mai annonçant la fin d’un calvaire et le début d’un autre, m’étant déjà pris entre midi les conseils beaux-parentaux sans mot dire et laissant la prof me débiner devant toute la classe comme « élément indécrottable » face aux élèves à qui, la veille même, j’avais prodigué l’aide nécessaire, au sens philosophique du terme, qui ne peut ni ne pas être ni être autrement –puisque la dite professeure interdisait l’usage d’une quelconque formule avant qu’on ne l’ait démontré en groupe stylo et papier comme outils et rien d’autre – au déblocage mathématiques, qui ne laissaient pas dépasser de leurs yeux leurs incompréhensions juvéniles, quand au beau milieu de ses invectives je finis par prendre mon sac, jeter à l’intérieur trousse et autres outils trainant sur la table, me lever et sans plus l’écouter, me dirigeant vers la porte lui déclama : « puisque c’est comme ça, j’m’en fous, j’vais aller faire un cap tourneur/fraiseur sur les judicieux conseils de mon beau-père ! » et de claquer la porte comme j’avais toujours rêvé de le faire, mais pas celle-là.
Je sais bien, ou je veux bien savoir, l’impression que je donne la plupart des temps, quoi que je fasse. Le non-respect des consignes dans l’atelier d’écriture, ma faculté indiscutable à toujours entendre l’interprétation la moins possible de quelque communication que ce soit, mon indéfectible amour-passion couettique hivernale mais potentiellement étirable à l’année entière, « elle s’en fout… ». En fait, je vous l’écris, comme j’aimerais que cela soit. Comme j’aimerais « m’en foutre ». Comme j’aimerais avoir cette capacité à l’auto-ensemencement, n’avoir réellement besoin de personne et surtout pas d’un quelconque encouragement, soutien ou même sourire. Comme j’aimerais être capable de monter le projet du Métamicien, faire mon doctorat et repasser ce foutu bac S par moi-même. Cela fait cinq ans que je cherche quelque chose, ici et maintenant, quelque chose d’absolument nécessaire pour ce faire. Comment s’auto-ensemencer ? Comment « s’en foutre » ? En vrai ?
Je copie sème recopie sème ceci qui attire l’oreille vraiment et pas seulement
« ma faculté indiscutable à toujours entendre l’interprétation la moins possible de quelque communication que ce soit »
et que ton texte est matière oui semence à réfléchir et pas qu’avec la tête, ça frotte là où ça ronflait, faut y aller Alexia et comme tu y vas !
Merci !
Bah da rien…(elle sait que ce n’est pas rin…!)