Vous tapez du poing sur la table, vous criez même un peu, aussi pour savoir qui vous avez en face de vous. Imaginez-le à cet instant; il vous regarde, il réfléchit un temps et dit « je ne suis pas OK ». Il vous faut recevoir la sentence. Il n’a pas dit oui, qui n’a pas dit non, vous enfonce dans votre solitude ou votre confusion (il parle de ce que vous dites ou de la façon dont vous le dites ?). Il vous faut maintenant recevoir le corps en face de vous qui n’est pas OK. Qui a fui devant vous comme un poulpe rapide, qui a changé sa couleur et s’est mis au diapason du rien, qui ajoute qu’il est vraiment désolé, qu’il vous entend, mais « je ne suis pas OK ». Vous vouliez de la matière, du bois, du fer, vous vouliez attraper quelque chose, fabriquer du dialogue ou un simple écho, et vous recevez du plastique fondu, qui n’est pas OK.
Le type expose une nuance dans un cercle de parole entre « non violents », une nuance d’adjectif, trois fois rien, il tente de développer un lexique, de donner du volume à un mot qui s’use à force d’être dit, et voilà qu’on lui lance « je ne suis pas OK ». Le type est cloué, demande une précision. « Je ne suis pas OK », et puisque je parle de moi je n’ai pas à développer.
Un enfant dépasse les bornes, frappe sa mère qui sort de ses gonds et répond, rouge de colère, dans une distance (une morale) qu’elle vient de fabriquer à l’intérieur de la colère, « je ne suis pas OK ». L’enfant entend le oui dans le non, n’entend rien, n’y entend rien, tout est flou, mou, dominé par ce le verbe être piétinant chaque phrase de la mère, et ce OK énorme qui en appelle un autre : « je ne suis pas OK, OK? »
Vous aimez dire non, non est un mot vif, tranchant, clair, limpide comme un oui. Vous le dites encore souvent, mais on vous fait sentir qu’un non est un coup de poing à la figure, qu’un non est arbitraire, autoritaire, militaire, ne parle pas de soi, et « ne vient pas du coeur ». Vous vous sentez maintenant obligé de vous excuser avant de dire non. Bientôt, au détour d’une phrase, pour acheter votre paix, vous vous entendez, stupéfait : « Je ne suis pas OK ».
.. tellement juste ce OK qui fait des ravages dans les conversations… merci pour cette confrontation avec ce NON si malmené pendant nos années covidiennes… Merci !!
J’aime beaucoup ce décorticage de l’expression spécialement dans le premier paragraphe avec la personnalité du personnage révélée par ce « »je ne suis pas ok ». Belle mise à nue des dessous de cette parole! Merci!
Air du temps, une amélioration, une tentative d’amélioration, il faut s’y faire,
Mais j’adore la scène de la mère énervée, et le hoquet des ok,
Bonne suite,
C