Elle tient le bouquet de mimosa d’une main et court dans toutes les pièces de la maison. FALLAIT PAS. Vite, un vase. Vite, la mémoire se réveille. Vite, elle se revoit gamine, son père qui tirait la gueule en rentrant du boulot. Vite, la mère fatiguée d’avoir toujours le mauvais rôle, punir et tant vouloir aimer. Vite, en bas du toboggan, première entorse, première fois grandir. Vite, l’odeur de la saucisse, jamais sans la ratatouille carottes pommes de terre. Vite, le dimanche après-midi, Maigret à la télé, quand dehors gris lourd de l’automne, retenir les larmes. Vite, les matins d’école, Corn Flakes lait demi-écrémé, générique météo TF1, un rayon de soleil pour colmater l’angoisse de l’algèbre. Et lentement, cueillir le mimosa, toujours, apaisait la gamine.
La gamine, coupe à la garçonne et badge de pirate sur son débardeur orange, tenait son premier billet dans la main. Elle pensait petite voiture de police, avec les sirènes, plus tard elle arrêterait les méchants. Elle pensait bonbons au citron, ça pique, mais pas comme les méduses l’été dernier. Elle pensait poster d’un bateau sur la mer, devant son lit, pour la nuit faire des rêves d’aventure, la bateau qui tanguerait, un requin passerait par au-dessus, et de son petit corps elle le rendrait à la mer sous les applaudissements d’une foule qui sortirait de nulle part. La mère, FALLAIT PAS, et si tu voyais son bulletin ! Elle lui arracha le billet, yeux ronds, hein madame ! Alors, la gamine chercha dans les yeux de sa grand-mère comment s’endurcir de toujours se faire confisquer son enfance.
Sur la table basse qui les sépare, un paquet cadeau et deux cornets à la crème dans une boîte en plastique. Intermarché, offre spéciale. FALLAIT PAS. Elle se souvient que gamine, un soir dans la véranda, elle avait entendu son père dire à sa mère qu’elle devait apprendre à choisir ses amis. Qu’ici, on ne mangeait pas Intermarché. Qu’ici, on ne s’habillait pas H&M. Qu’ici, on ne se meublait pas Leen Bakker. Elle a sorti les assiettes aux bords dorés, les petites cuillères personnalisées d’un ‘Maman je t’aime’ que sa mère ne voulait plus garder et deux coupes de champagne pour le Dom Perignon. La crème débordait de sa bouche. Elle aime ça, quand ça déborde. Quand les couleurs débordent de ses dessins. Quand sa peau déborde de son corps. Quand la nuit déborde de ses rhumatismes. Quand les mauvaises herbes débordent des mauvaises langues.
Très touchant Annick. Merci de ces souvenirs.
Merci Danièle.
Je passe te lire ce soir ou demain… j’ai pris du retard, quelques jours à l’écart de l’atelier, mais de retour pour le plaisir d’écrire et de lire.
Annick, ce texte est un de plus beaux (est-ce le mot pour ce texte-là ?) que j’ai lu de vous, le rythme et les émotions sont ensembles, rien de trop et la langue, l’écriture emplit l’espace, avec des ellipses qui creusent l’empathie avec la narratrice et nous laisse une place folle pour l’accompagner, je me souviens d’anciennes discussions sur ces sujets, de la difficulté de ces étapes d’écrire, décoller le réel, entrer dans la fiction. Belle suite !
Merci pour ces mots Catherine. Merci de me lire.
Je me souviens aussi de nos échanges… à quand ça remonte déjà ? Que le temps passe vite… mais il n’est jamais trop tard pour avancer.
Je vous embrasse.
J’ai pas réussi à retrouver, mais 2018 ou 2019 est possible, Oulala,
Oufti, déjà ?
beau choix… et même un petit sourire !
Chouette alors !
Merci François.
Très beau texte, touchée, et bon choix, oui.
Merci Perle. Quel joli prénom !
Je passe vous lire ces prochaines heures, avec grande joie.
Belle soirée.
Magnifique texte, émue. Merci !
Merci beaucoup Isabelle.
Je passe vous lire ces prochaines heures.
Tout le meilleur dans votre écriture.
J’aime beaucoup ces instantanés, et le FALLAIT PAS qui donne du dynamisme. Je dirais qu’il y en a d’autres qui attendent d’être écrits
Merci Tristan…
Je découvre ton écriture ! Quel rythme ! Drôle, tendre et corrosif à souhait ! Cette proposition est réjouissante, j’aimerais les lire toutes. Ca en dit tellement ces petites expressions…
Merci Emilie pour la lecture et pour vos mots.
Je passe vous lire très vite.
Belle soirée.
C’est toute ton écriture qui déborde, Annick, de la sensibilité d’une gamine qui nous embarque dans son univers. Un grand merci à toi pour l’émotion que tu suscites avec ce texte.
Merci si grand Marlen <3
Je reviens te lire très très vite. J'ai pris un peu de "retard" dans l'écriture, lecture.
Bises.
« la gamine chercha dans les yeux de sa grand-mère comment s’endurcir de toujours se faire confisquer son enfance. »
Que c’est beau !
Merci Delphine… <3
tellement aimé… cette façon de faire déborder pour mieux nous emporter
magnifique ! j’aime beaucoup ! et envie de dire IL LE FALLAIT ce texte ! merci Annick
Très beau texte Annick (où es-tu passée?) qui déborde de toute part, de trop plein, de trop vite. Reviens!
Très beau texte ! ça déborde et ça touche oui ! Et puis « Alors, la gamine chercha dans les yeux de sa grand-mère comment s’endurcir de toujours se faire confisquer son enfance. » de l’écho par ici ! Merci Annick, je te découvre avec ce cycle