Je sors de l’immeuble où j’habite depuis 2012, je suis dans la cour intérieure, pas besoin d’appuyer sur le bouton sur le poteau pour ouvrir la grille qui donne sur la rue puisque le mécanisme ne fonctionne plus depuis des mois. Les gonds sont défectueux, bousillés. Lorsqu’on ne la retient pas la porte claque à faire sursauter, à assourdir, à faire sortir de nos gonds ! Je traverse la rue et me dirige vers le bar où j’aime prendre mon petit déjeuner, j’apporte un pain au chocolat puisqu’ils ne vendent pas de viennoiserie et qu’ils acceptent que l’on en amène de l’extérieur, je n’ai pas besoin de commander un café allongé, Véro la serveuse sait mon habitude, elle me le sert sans sucre et sans petite cuillère et si il n’est pas déjà en main, elle m’apporte aussi le Parisien pour que je puisse faire les mots fléchés, elle sait mes habitudes. Je m’assois à la première table à gauche en rentrant, près de la fenêtre, là où l’on a une vue panoramique sur la rue de Belleville, Michel est sur le trottoir d’en face il attend au feu qui est vert, il regarde en l’air et fait des signes de la main, c’est bizarre je ne comprends pas pourquoi. Une jeune femme entre et demande si elle peut emprunter les toilettes, elle porte des bottes Santiag bleu turquoise un short en jean et un pull ample rose, Véro lui répond gentiment. Patrick se lève de la terrasse, il vient payer au bar en rapportant sa tasse d’une main et en tenant sa canne de l’autre (sa canne en bois qu’il a lui même sculptée) il s’en va en disant à la cantonade « au revoir et bonne journée à tous » « Salut, à demain Patrick ». La jeune fille sort des toilettes remercie Véro et repart dans sa journée. Je me retourne vers le fond de la salle j’aperçois Shéhérazade, une pile de journaux sur sa table, plongée dans un article du Monde. Dehors, un concert de sirènes hurlantes ramène mon attention vers l’extérieur, une voiture de police monte à vive allure la rue de Belleville pourtant en sens interdit, elle est suivie par deux camions de pompiers et un fourgon de police, à cet instant Michel entre.
merci pour cet instant suspendu, et la chute…chut… c’est encore tellement présent.
« Véro la serveuse sait mon habitude », une petite phrase qui en dit long sur la vie dans un quartier parisien, comme un village où l’on est tout sauf anonyme. Merci pour cette virée parisienne, et l’écho des souvenirs liés à cette vie-là, si lointaine !