#anthologie #13 | Bois de Vincennes

Toute l’avenue de la Belle Gabrielle longe le Bois de Vincennes. Le chemin entre le bois et la route à sens unique est constitué de sable pour que les chevaux des trois centres équestres du bois puissent l’emprunter avec leurs cavaliers suivis sur la route par un animateur à vélo. Les sabots des chevaux forment des crevasses dans le sable dans lesquelles les pieds s’enfoncent. Plusieurs voies s’offrent pour entrer dans le bois depuis la partie inférieure de l’avenue qui se situe vers le Jardin tropical, dans lequel les vestiges de l’exposition coloniale de 1931 restent visibles, même si pour certains très mal entretenus, c’est ici notamment qu’on avait enfermé les peuples colonisés kanaks pour montrer leurs us et coutumes à la population métropolitaine, événement qui n’est pas mentionné, ou alors de manière très indirecte, sur les panneaux explicatifs plantés un peu partout dans le jardin. Le bâtiment qui célébrait la Tunisie accueille maintenant un restaurant associatif tenu par des femmes en réinsertion professionnelle. A droite de l’entrée du jardin s’ouvre une longue allée menant à l’intérieur du bois. Au bout de la longue allée, il faut suivre quelques chemins plus étroits entre les arbres ou suivre la voie ouverte largement et goudronnée pour les vélos afin d’atteindre le lac. Y nagent une variété de canards, des oies, des cormorans, des cygnes et parfois même un héron qui vivent sûrement sur l’île sauvage au milieu qui n’est accessible que par bateau. La sérénité du lieu est interrompue par ce coach sportif qui met tout un parcours en place sur la rive pour ses adeptes, ce maître qui appelle son chien, cet enfant qui a vu un canard et ces riverains qui sont venus boire un verre au Rosa Bonheur dont sort le bruit d’une musique électro certains soirs d’été. Le chemin qui fait le tour du lac est quasiment impraticable de l’automne à l’été à cause d’énormes flaques. Il faut alors emprunter le chemin goudronné qui en fait le tour plus loin et depuis lequel le lac devient indivisible. Le bois est entrecoupé de larges routes goudronnées accueillant des voitures pour connecter au reste de la ville la Cartoucherie, le centre équestre et l’INSEP. Les abords de la route sont néanmoins aménagés. La route mène à un rond point surmonté de ce qui ressemble à un obélisque ou un monument commémorant les morts d’une guerre et qui donne à l’arrière du Parc Floral, l’entrée des exposants. S’ouvre à nouveau une large allée entrant dans le bois à pied. Le bois prend une autre allure et pour cause, à droite se dresse au-dessus de la cime des arbres les créneaux du Château de Vincennes. Les larges étendues d’herbes folles une fois ratissées pour produire du foin servent de terrain pour les équipes de volley improvisées et les piques-niques, à l’emplacement même de l’université de Vincennes, utopie disparue. Une fois remontée l’allée centrale, puis l’allée de gauche, toutes présentant la même architecture, se présente la route circulaire, terrain d’entraînement pour tous les cyclistes du département, qui font des tours et des tours, serrés les uns contre les autres, à une vitesse folle. De l’autre côté de la route, le bois continue et s’ouvre sur un terrain de rugby, de croquet, de drones, de cerf-volants. La terre se remet difficilement du festival Welovegreen du mois de juin, la terre à nue, labourée, boueuse. Une nouvelle route s’offre au promeneur qui voudrait faire d’autres rencontres, des rencontres dans les bois à tarif fixe. Le chemin est alors bourré de mûres sauvages que personne ne semble manger et qui donnent l’équivalent de deux à trois récoltes pendant l’été, avant que la sécheresse ne s’installe définitivement. La distance de la dernière allée entre la route et l’avenue de la Belle Gabrielle se compte en bancs. Il y fait toujours frais grâce à l’arc protecteur des arbres. Au bout du chemin un cours d’eau et un petit pont pour l’enjamber, le bruit d’une grenouille.

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