#anthologie #12 | Villes

#12 | Villes

Au plus loin, j’étais allée en Grèce, à Athènes, puis à quelques heures de bateau sur l’île de Sifnos, étymologiquement signifiant vide, ce que je découvrais à mon retour, et qui sonnait alors en moi comme une évidence.

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Athènes la merveilleuse empestait les éboueurs étaient en grève depuis deux semaines les poubelles s’amoncelaient éventrées sur les trottoirs qui devenaient impraticables obligeant les gens à marcher près des voitures obligées elles-mêmes de rouler au pas Cette odeur tenace de bête morte imprégnait l’air devenu lourd jusqu’aux statues des hauteurs de la ville Elle flottait dans les airs tel un présage à la manière de ce charter cahotant qui avait volé jusqu’ici avec difficulté semblant chuter à chaque trou d’air les voyageurs collés les uns aux autres dans cette carcasse de fer dont on ne savait par quel miracle elle semblait s’appuyer sur les nuages rebondissant après chaque descente et se stabilisant pour quelques secondes. Le voyage avait été éprouvant La halte avant de prendre le bateau vers les îles un cauchemar qui annonçait je le saurai plus tard un voyage infernal en vérité L’hôtel poisseux les draps encore défaits le lit sale les bestioles non identifiées la fuite vers un autre lieu de résidence les poubelles à nouveau sous la chaleur écrasante faisant monter dans le ciel une fumée verdâtre en effluves lourds des denrées pourrissant à même le sol

Rêver l’ailleurs avec ardeur
Y arriver
Entr’apercevoir le malheur

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Sifnos la belle ses mille chapelles éparpillées sur son terrain étroit et escarpé ses vipères à chaque pas de ce mois d’Avril le chauffeur de bus sur son téléphone dans les virages longeant les ravins la peur de mourir ici loin de tout isolée comme jamais avec un sentiment de coupure d’avec le monde que je découvrais de manière inédite Je me mis à pleurer inconsolable à l’arrivée devant un cocktail devant la blancheur des maisons devant la mer une assiette de nourriture typique délicieuse devant moi là sur la table brillante me renvoyant dans les yeux un éclat du soleil Je mettais mes lunettes pour me protéger des rayons mais surtout pour cacher mon visage de khôl qui coulait pour cacher ce désespoir infini qui m’envahissait et qui ne me quitterait pas du séjour Sifnos ses ex-voto si beaux ses poteries cette assiette creuse que j’ai encore Sifnos je veux te taire dans ma mémoire je veux taire ma robe blanche sur tes terres noires je veux taire ta beauté étincelante ta gentillesse débordante ton silence et ton vacarme que j’entends encore aujourd’hui dès que je pense à toi

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Il y a 10 ans, je décidai sur un coup de tête de déménager et de m’installer à Lille. Je m’y installai, ignorant alors que je m’exilais et que de cet exil volontaire je ne sortirais pas indemne.
La ville, idéalement placée entre Paris et Bruxelles me permettait des allers-retours fréquents dans la capitale que je venais de quitter avec l’espoir d’une vie meilleure, n’imaginant pas le naufrage que cet ailleurs me promettait en réalité. La solitude comme plus grande compagnie, je me mourrai dans ces grandes rues vides, cernée de briques rouges et de foules invisibles. Je marchais des heures dans la ville avant de rentrer dans ma courée à Wazemmes où m’attendait une floppée d’enfants en errance. Dès le matin, quand j’ouvrais mes volets, mon prénom arrivait à mes oreilles et alors, je n’avais plus de paix. L’invasion dura deux mois puis je quittai les lieux pour aller vivre un peu plus loin dans le quartier de Moulins. Très vite je me mis à détester cette ville et j’essayais de rentrer, en vain. Ce n’est qu’au bout de 5 années que je pus rentrer à la maison… Mais pendant ces quelques années que je ne voyais finir, il me fallut vivre, le mieux possible, m’adapter, endurer, supporter.

Cette ville grise aux ciels incroyablement roses cette ville en son centre riche et en ses abords très pauvres cette ville aux pavés irréguliers qui écornaient mes talons lorsque je sortais boire un verre près de la petite église cette ville ses terrasses joyeuses après le marché le saucisson partagé cette ville tant de choses tristes et tant de douleurs que mes yeux en pleurent encore cette ville dans ma mémoire que je chasse..

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