Il y a des lieux où l’on arrive toujours de nuit. Chennai par exemple. Savoir que l’on arrive par les parfums étranges qui vous assaillent dès la sortie de l’avion : des pneus brûlés et du jasmin. Autour du taxi en route pour un hôtel des informations qui se contentent d’entrer par je ne sais quelle porte du cerveau et que le jour suivant viendra confirmer. Des lumières et des ombres se superposent : les humains, les végétaux, les bâtiments se confondent. Ne plus savoir ce qui se meut ou pas. Il faudrait immédiatement prendre le temps de s’arrêter pour voir le visage d’un homme s’éclairer en allumant sa cigarette avec le bout d’une corde ; un nuage laiteux de fumée monte vers une ampoule électrique au dessus d’une marmite. Demain il fera jour.
Il y a des lieux que l’on trouve moche au premier abord. Douarnenez. Cette rue que l’on remonte après avoir laisser la voiture au parking. Une rue déserte. Puis cela devient beau :
21000 MORTS SURTOUT BONNE ANNÉE
VIVE LES LESBIEN.NES
TRANS
REVOLUTION à la bombe rouge.
ALL CAPITALISTS ARE BASTARDS
LE SPECTRE TE DONNE RDV
La signalisation au sol de lignes triangulaires jaunes comme on en voit devant les abris de bus portent le regard sur ce bâtiment austère blanc peint d’une ligne verte sur toute sa longueur. le premier nom de rue juste au croisement : rue Louise Michel
LA MISERE N’EST PAS UN PROBLEME PERSONNEL
C’EST UN DELIT PUBLIQUE
Sur un immeuble en demi triangle des années cinquante :
ON ADORE LES MIGRAN un coeur rouge termine la phrase au-dessus d’une grille sordide.
VIVE LES IMMIGRÉ.ES RN=NAZI=CACA
Autour de ce centre, la ville se déploie, belle, fractale.