#anthologie #12 | Triolet et notes de voyage

Un voyage long du temps où les avions étaient encore fumeurs, il y a 30 ans. Ma voisine, une femme voilée d’une quarantaine d’année, visage marqué, fume sans cesse, mais elle ne me gène pas, je fume aussi. Nous échangeons quelques mots en anglais, elle semble avoir une grande expérience de la vie. Moi je relis fébrilement dans mon dictionnaire français-anglais quelques mots et expressions, je revois les chiffres, je confonds toujours fifty avec fifteen…Avant d’atterrir à Abu Dhabi, l’avion survole des déserts ponctués de puits de pétrole, du ciel on dirait des cratères, cercles parfaits, sombres sur une terre déserte ocre grise, parsemée de roches, presque des chaînes montagneuses. Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau. C’est mon premier grand voyage, seule, Abu Dhabi n’est qu’une escale et déjà je me dis que le voyage pourrait s’arrêter là, tout en haut dans l’avion, il serait inoubliable. Mais l’avion entame sa descente et le voyage continue.  Nous nous approchons  de la capitale des Emirats Arabes qui ne me paraît pas immense, des buildings sortant du désert, j’aperçois le rivage, le golfe persique. Atterrissage, traversée de la 1ère classe pour sortir où des familles et hommes d’affaires ont laissé par terre tous leurs déchets, ça me frappe. Arrivée à l’aéroport et sa zone commerciale circulaire tout en marbre au centre de laquelle se dresse en forme de fontaine un immense pilier qui s’élargit en dôme, dorures, vitrines de luxe, air conditionné très agréable. Assise pour attendre ma correspondance, j’observe ces gens que je ne reverrai jamais, venus de tous les Emirats et du monde entier pour continuer ou terminer leur itinéraire. Quelque chose de magique dans l’air.

En avion pour San Francisco, ce qui me frappe c’est la traversée du Canada d’Est en Ouest, ces étendues désertes, ces terres glacées, ces forêts de conifères et je suis étonnée par le peu de villes que nous survolons, sensation que la nature a le dessus sur l’urbanité. Je supporte mal l’immobilité imposée dans l’avion mais la contemplation de la terre m’enchante. Temps d’attente très long à l’immigration de l’aéroport et puis je trouve un taxi, petite voiture japonaise à grand coffre et nous partons pour le centre de SF; j’attends de voir la ville mais elle tarde à apparaître, zones périurbaines pendant plus d’une heure et enfin le taxi me dépose près de mon logement réservé. Promenades quotidiennes dans le Golden Gate Park où j’observe ces hommes et ces femmes courir, habillés sport, leurs muscles ciselés, tellement que ça me paraît trop. Un groupe d’asiatiques pratique du Taïchi tous les matins quand la brume envahie encore la côte pacifique, les regarder m’apaise. Un ami d’ami me promène en voiture dans la baie de SF que nous traversons, il me fait découvrir sa vie de banlieue très éloignée, des villes résidentielles, son travail d’informaticien pour lequel il ne prend jamais de vacances au risque d’être remplacé par un plus endurant…Intelligence de la circulation, uniquement ceux qui ne sont pas seuls dans leur véhicule peuvent emprunter la voie de gauche pour doubler. Ville propre, pas de déchet, poubelles triées, combien d’amende et quelle présence policière pour en arriver là ? Impression de civisme et de gentillesse des californiens, population riche, impression que ce n’est qu’une façade des Etats-Unis.

C’est un petit avion qu’on prend de Dehli pour se rendre à Katmandou, nous devons être une cinquantaine à l’intérieur, je note que les ¾ sont des trekkeurs, déjà chaussés, équipés, motivés. Petit avion et petit aéroport aussi pour capitale du Népal. Une flopée de taxi nous attend à la sortie et sans mal nous grimpons dans une vieille Suzuki bénie par tous les dieux sur son tableau de bord, qui nous conduit  vers la ville. Elle apparaît sous un nuage jaune gris de pollution. Le véhicule slalome entre les bus, les scooters, les vélos, les passants, les rickshaws, et nous dépose au pied de notre hôtel dans le quartier animé de Thamel. Nous rencontrons des commerçants, le but du voyage étant de créer une filière de commerce équitable. Je remarque une affiche collée sur un mur indiquant qu’un orphelinat recherche des volontaires. Quelques jours plus tard, empruntant un bus et un itinéraire compliqué loin du centre, je m’y présente pour faire peindre et dessiner les enfants. Sur le toit de l’orphelinat, les enfants mélangent des couleurs et peignent, le ciel est rempli de cerfs-volants qu’enfants comme adultes s’amusent à faire voler, danser depuis les terrasses. Je prends quelques photos, mon sourire est permanent. C’est rare.



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