Quelque chose colle à la peau. De sa propre sueur jouxtant celle des autres dans le taptap qui descend la ville. Port-au-Prince. Une odeur acre, mélange de feu de plastique, de poubelles et de viande boucanée tapisse les narines. Des vagues de poussières s’échouent dans les cheveux. Les vendeurs aux feux rouges qui tendent aux voyageurs leurs bouteilles glacées semblent toujours tombés du ciel. Comment en tout point de la ville on trouve ces boissons fraîches quand le réseau électrique est si défaillant. La boisson orange fluo à haute teneur en sucre, alliée parfaite pour lutter contre l’âcreté. Le sucre combattant la poussière, le froid abattant la chaleur. La ville crée cette fatigue dans la gorge, irrite les tissus, couvant un feu dans le sein des gens que seuls ces breuvages chimiques savent étouffer.
Butembo, la terre rouge parcourue en moto. Les briques cuisant dans une fumée qui s’échappe au travers de leur empilement. La terre est argileuse. On y pose le pied. Le bruit d’une botte. Le moelleux du contact. Légèrement humidifiée, tout a l’air propre, les gens semblent ne pas transpirer, la poussière n’atteint pas les tissus. Les couleurs sont saturées. On croirait traverser un dessin sur un papier grand format. Un sentiment de la liberté, l’impression d’une terre illimitée.
Descente depuis la gare direction Waterloo Street, ciel bleu, les mouettes saluent les voyageurs, effectuent leurs rondes. Surenchère de commerces, surenchère de promotions, le calme des habitants d’une ville portuaire, le front de mer grandit, le lecture de la ville est simple, le Brighton Pier se dessine, île colorée qui tranche sur le dessin de la côte. C’est une carte postale d’époque dans laquelle se promènent des gens du futur. La liberté de la fringue, la liberté du cheveu, la liberté de la couleur, la liberté de la main à qui on la donne, la liberté de dépenser, la liberté d’être statique. Du Pier on embrasse la ville, généreuse, prometteuse, contrastée.