arriver de plain-pied comme à Venise ce matin-là. Descendre du train, monter dans le vaporetto ; la voir réfléchie dans ses eaux puis, sur la place qui se débonde, oser lentement lever les yeux – tapie dans l’ombre la peur d’être déçue ou de ne pas savoir l’aimer; La Merveille devrait-elle t’attraper la première. D’où naissait l’émotion? de mettre un son, un parfum, une couleur, un accent au présent de son nom ? D’affronter l’incontournable splendeur : tu étais à la fois submergée et démunie ; encore fallait-il se délester des images qui la devançaient : écarter (les) papiers d’A. , La mort et l’adagietto , les lunettes bouffonnes de Peggy G. ; les masques en demi-lune et les ors des carte postales… même Turner. Alors se perdre: la respirer, pas à pas en son dédale : ponts, pierres, flaques ; aimer sa pourriture, ses palimpsestes, ses eaux vertes…
Elle. Vertige en perspective de grenouille et l’océan autour ; elle toute en lignes droite à te cambrer le cou et te tourner la tête : tu la marches et sa démesure te grandit. Elle en noir et blanc, l’aigu de ses lumières, noire et blanche jusque dans ses nuit traversées de sirènes. Noire : toits terrasse ; cheminées, échelles aux paliers de fer… et ce Calder disparut sous les décombres des deux tours. Elle la plus aimée ; de toutes la préférée : en deux étés sous un soleil de plomb – une seule fois j’aurai connu sa pluie, sous le porche de briques noires Down Town et sa pluie remonterait la rue en fumées. Penser à elle, c’est éprouver un regret en même temps qu’un sentiment d’ultime liberté ; ta jeunesse et l’impossible récit d’une traversée : celle de ta grand- mère avec son carnet de croquis sur le petit vapeur quittant l’ïle des larmes et ton père en gestation… 1983, Brooklyn bridge de tes photographies, images d’Épinal collées dans un carnet aux pages dispersées, cette photo que tu avais prise: l’homme en bras de chemise lisant son journal face à l’est river s’il portait-il un Pork Pie Hat. Je me souviens de la tache rouge de mes ballerines de caoutchouc descendant l’avenue, et le bout de l’avenue ou de la rue à portée de vue, toujours sans fin; de l’odeur salée qui surgissait des perpendiculaires, des groseilles à l’étal grosses comme le poing: je me souviens de ce premier Rothko comme une énigme rouge …
juste une image : il faut partir. Par la vitre du car remontant la foule, ce guerrier noir et nu.
Enigme aussi dans ces textes forts qui forcent à une relecture pour chercher entre les lignes, ou pas, simplement, savourer. Merci!
Trois villes et trois voyages à plein titre, merci – comme les trous dans le texte nourrissent la fiction…très perceptible ici,
Merci Eve et Catherine … de retour je retrouve l’atelier un Beau matin !