Elle apparait soudain au petit jour dans son écharpe grise, coule comme lave scintillante entre les montagnes — verrues protectrices, pans de terre couleur terre, jaillissent dans la rivière de tôle et le magma des hommes — incohérente et volubile qui surprend par les côtés, par l’arrière, qui offre au voyageur sa fièvre, ses trottoirs instables, ses vestiges de sang, son or fantasmé, ses plantes intenses, grasses, confuses, de magnolias en orangers, serrées dans ses quadrillages. Ville-bouillon de violence, de grâce, d’intranquilité, Teotihuacan, dite Mexico, dragon à plumes énervé, crache et recrache son histoire au nez sans jamais regarder dans les yeux.
Le train depuis le sud redessine la côte grignotée par le béton, le sel et le soleil, barbe écumante et poussiéreuse qui respire au couchant, à l’heure où les corps qui jusque là économisaient leurs gestes se détendent — réveils de siestes en apnée guettant la moindre brise — alors que la lumière dore, les énormes panneaux publicitaires posés sur les buildings offrent une arrivée sans pompe qui ne laisse pas deviner la ville verte — un vert serein dans la pierre tendre — enchantée d’ombres, de chemins tranquilles ou rien, jamais, ne se précipite. Girona épaissît le calme au fur et à mesure qu’on s’y évanouit, jusqu’à son centre feuillu et doux.
Il y en a toujours un à la proue qui nourrit les mouettes hystériques en riant; flouté, il laisse le dôme de la basilique tracer une première courbe en contre jour, d’où découlent en chantant mille arabesques veloutées, phrases infinies d’écritures anciennes, alphabets tricotant l’horizon, graphies délicates à l’approche qui fondent comme neige au soleil alors qu’on accoste là dedans, embarrassé par le tapage, les trajectoires nerveuses, les rires redoutables, les bras toujours prêts à porter quelque chose de lourd. Istanbul se charge de faire oublier Istanbul.