Je m’étais calée contre la vitre les colonnes de fonte ponctuant le quai défilaient Le train quittait lentement l’ombre de la halle métallique de la gare de Perrache J’étais soulagée de voir le jeune homme assis à l’autre bout de la banquette se plonger dans un livre Je n’avais rien su faire d’autre que me précipiter vers la gare il n’y avait pourtant plus aucune urgence je le comprenais alors même que le train démarrait réalisant que le voyage ne ressemblerait en rien à ceux des dimanches le compartiment presque vide et ce jeune homme absent au monde Une multitude de voies parallèles filaient vers le pont franchissant le Rhône une branche d’arbre tourbillonnait dans les remous elle disparaissait pour surgir à nouveau Je me redressais et regardais vers l’arrière le train continuait son avancée la branche plongeait captive Je ne la verrais pas s’échapper descendre vers le delta la mer Le réseau s’élargissait des voies de garage où les files de wagons et de voitures immobiles attendaient Le train surélevé par rapport à l’avenue passait à hauteur des fenêtres je voyais des ombres s’agiter dans les cuisines éclairées les façades crachaient de temps à autres des bouffées de vapeur blanche La nuit tombait j’arriverais dans la nuit noire Personne ne m’attendrait Je croisais les bras et posais une joue sur mon épaule ma tête cognait la vitre Je regardais fuir les traverses sur la voie d’à côté J’avais montré au jeune homme l’interrupteur pour le plafonnier du compartiment Le train traversait la banlieue les lumières violentes des usines illuminaient des entrelacs de tuyaux circulant entre des réservoirs posés sur des trépieds rouillés Au loin des projecteurs fixés au sommet d’un mât déversaient une lumière crue sur un stade de football L’extérieur s’assombrissait Je recherchais les lumières des maisons basses de plus en plus clairsemées le balayage jaune des phares de voiture aux passages à niveau et sur les routes L’obscurité gagnait Je ne savais plus où accrocher mon regard la plaine partout la plaine L’arrêt en gare de Meximieux m’apaisa un instant A Ambérieux le train retrouvait la rivière de l’Albarine elle rétrécissait au fur et à mesure que le train s’engageait dans la vallée Je ressentais en surplomb la masse noire des forêts accrochées aux pans abrupts Le train tanguait je me sentais brinquebalée dans l’encaissement de roches d’éboulis La gare Je vacillais dans la nuit de Tenay
Un commentaire à propos de “#anthologie #11 | Retour à Tenay”
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Contente de lire la gare de Perrache et bien aimé sur la fin le tangage du train et le brinquebalement de la voyageuse, « l’encaissement de roches » ; on cherche d’autres endroits dans le texte où le corps, immobile et pourtant en mouvement, est touché. Il y en a « ma tête cognait la vitre » et on se retrouve assis dans le train.