#anthologie #11 | Rentrer seule

J’essayais d’arriver avant la nuit complète L’horizon encore visible à l’est, mais déjà formant une ligne bleutée Les découpes des arbres et des vaches se superposent J’accélère en pensant aller plus vite que le coucher du soleil Bientôt le disque sera tombé derrière la campagne Je me fais peur dans les virages qui semblent plus secs que d’habitude demander plus d’attention pour ne pas quitter la route Dans une futaie épaisse J’aperçois des silhouettes animales Dans la forêt la peur me prend de tomber en panne Le téléphone ne capte pas Derrière la découpe du premier village depuis la traversée de la Levrière Les sangliers attendent la nuit complète pour traverser les routes Je donne un coup d’œil vers le noir de l’eau pourtant peu profonde Un feu m’éblouit La ligne droite ne l’est plus pour longtemps Je ne sais pas si j’ai passé le château d’eau Je pensais qu’il s’agissait d’une moto, mais c’est une voiture qui a perdu l’un de ses phares J’imagine les fantômes des pécheurs à la ligne qu’il faut éviter sur le pont en plein jour Une voiture embourbée là à 10 mètres d’un virage Je pourrais emmener Lou à la pêche Un petit éclat de lumière me rappelle qu’il n’est pas l’heure de dormir pour tout le monde Il n’y a pas d’endroit convivial pour attendre que la nuit vienne ensemble pas de café communal pas de bistrot Dans une maison aux fenêtres sans rideau à l’angle d’un laisser le passage je regarde avec plus d’insistance à l’intérieur une femme et un homme devant une télévision Je donne un coup de volant pour éviter un chien errant J’essaie de voir si je ne le connais pas s’il ne ressemble pas à celui des voisins La maison disparait avec son couple Je ne sais pas s’ils étaient en train de manger ou s’ils n’arrivaient plus à faire les mouvements nécessaires pour aller se coucher Je ressens la fatigue mais qui s’efface à l’idée de retrouver la tranquillité l’absence de bruit de la maison il n’y a personne Une haie de rosiers dont je connais les couleurs de jour ne forme plus qu’une masse vaguement arrondie Je prends le chemin qui m’amène à la maison Il fait déjà presque nuit Je passe les grands arbres à droite En attendant l’ouverture du portail je crois apercevoir une chose qui se déplace Le dessin de la maison est familier Le rectangle massif posé au milieu du terrain Il me rassure Avec la dernière lueur de jour qui se reflète dans un carreau de la salle d’eau du rez-de-chaussée Comme quelqu’un qui serait en train de faire une visite inattendue avec une lampe torche À l’intérieur le noir profond Je recule la voiture en arrière dans le garage qui fait face à la maison Les branches des arbres cassent sa silhouette À droite la fenêtre de ce que j’ai toujours imaginé être une chambre chez la voisine montre de la lumière Le volet tiré ne laisse passer qu’un rai faible bleuté Je reste assise dans la voiture Je ne veux pas entendre les bruits d’une télévision les aboiements d’un chien Il n’y a personne J’ai peur d’entrer

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