Elle est là la maison de mon enfance je la respire avant même de pousser la grosse porte noire du couloir ce n’est pas l’entrée officielle c’est l’entrée de derrière celle où on passe aussi de l’intérieur pour aller au jardin Je ramasse les derniers persés une variété de pêches jaunes à la peau duveteuse et ferme Je n’en ai jamais vus ni mangés ailleurs qu’ici dernière la maison Devant la distillerie je froisse les feuilles du gros pied de verveine surtout ne le coupe pas garde le elle l’aimait tant Dans la fosse il n’y a plus de poissons rouges seuls des récupérateurs d’eau pour l’arrosage du grand jardin sans tomates sans piments sans le tout d’avant des rangées de fraisiers à l’ombre des cerisiers La nuit tombe je ne vois que ce désert propre sans ton âme de jardinier j’ai laissé ma voiture comme d’habitude devant le fil à linge où toujours sont accrochées des pinces usées décolorées par le vent de l’océan et des bouts de tissus blancs pour signaler l’obstacle Sous les hangars à côté des silos à tabac les énormes tracteurs sont sans emploi La nuit est là il me faut pousser la porte du couloir il fait noir même en plein jour il y fait noir Au bout une autre porte ouvre sur la grande pièce devant la véranda Plus de chiens à aboyer à mon arrivée plus ta voix pour leur dire d’arrêter plus la mienne pour les rassurer c’est moi vous me connaissez.
6 commentaires à propos de “#anthologie #11 | l’entrée de derrière”
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Très beau texte , tout y est , odeur, son , poésie du lieu, sentiment du manque.Merci !
Merci beaucoup Carole, très touchée par votre passage et vos mots posés ici.
Tout ce qui manque est donné à voir par petites touches. Une approche subtile qui donne une très belle profondeur au texte. Merci Marie.
Le manque exprimé par tout ce qui semble immuable – mais ne l’est pas. Il y a le silence qui stoppe le retour. Merci Marie.
Infiniment merci, Aline et Cecile pour vous êtes arrêtées ici, et pour vos commentaires qui me touchent en douceur.
« il fait noir même en plein jour il y fait noir » Un texte qui dit le temps qui passe et les blessures qu’il laisse. Terrible et poétique. Merci Marie pour ce texte qui tape fort !