Oui parce qu’avant jamais je n’aurais fait une chose pareille jamais je ne serais partie en les laissant tous les trois comme s’ils pouvaient vivre sans moi c’est pas comme quand on travaille que la mécanique est bien réglée les cours les repas à heure fixe quand tu sens le piège se refermer sur toi et qu’il faudrait tout de même en sortir Oui pas comme les réveils à sept heures et les téléphones confisqués et la surveillance des dents de l’emploi du temps de la propreté des devoirs Parce que prendre l’avion et partir comme en mai déjà à Montréal c’était loin on rompait avec une forme de dépendance familiale se débrouiller sans et ce que ça fait de centrer ses préoccupations sur d’autres choses et dans une ville étrangère en plus où le sentiment de Oui c’est plus fort on pourrait être quelqu’un d’autre quelques instants et le temps d’un vol en avion entrer dans une autre dimension découvrir une ville comme si on pouvait y vivre penser que toutes les raisons sont réunies désormais pour que le pays ne soit plus habitable alors oui l’envisager comme quelque chose de possible comme quand on est parti à Rome et qu’il n’y avait pas trop de touristes il faisait beau et c’était en février on s’est dit qu’on pourrait habiter là et regarder les écoles probablement que Parce qu’à Dublin d’autres raisons sont réunies pour retrouver un âge d’or pas de parti d’extrême droite beaucoup de vertes prairies une côte sauvage et des moutons paissant en liberté Oui c’est un beau tableau un tableau bucolique même si on ne voudrait pas être trop naïve penser à la pluie à l’obscurité à l’isolement regretter le français la littérature surtout même si la littérature là-bas c’est pas mal du tout Joyce Beckett mais quand même Parce qu’avant jamais je n’aurais pensé une chose pareille jamais je n’aurais pensé quitter mon pays mais quand je lui ai dit au revoir et qu’on se revoit bientôt je lui ai dit oui pourquoi pas je vais voir comment c’est là-bas alors vraiment si on ne peut plus ici si la France désormais si ce qu’on ne pouvait pas croire alors oui j’ai dit oui c’est sûr on pourrait.