#anthologie #11 | dans la Golf

Il avait suffit de quelques contractions espacées de quelques secondes Voici comment faire ce qu’il faut faire pour repérer le bon moment disaient les papiers Il était prêt à sauter dans la voiture je m’étais jetée dans le canapé brun Il avait compté avec moi les secondes J’avais repéré la suite des évènements dans les films Rien ne se passait comme dans les films la chaleur crasseuse du mois d’août n’était pas dans les films la force du temps comme rouleau dans le corps n’était pas dans les films l’eau qui reste dedans n’était pas dans les films Les douleurs avaient commencé au restaurant à midi j’avais cru trop manger Il fallait maintenant retourner dans l’espace blanc pour faire ce qu’il y avait à faire La voiture scintillait dans la nuit jaune qui traversait la banlieue J’ai tout su dès le canapé brun J’ai su sans les chiffres et sans les films sans les murs blancs ni les mains alcoolisées Victoire était apparue quand j’avais quitté l’espace blanc neuf mois auparavant Elle avait surgi de l’arbre pour dire tu as failli porter mon nom c’est moi qui m’y colle Chacune tenions une extrémité du fil où respiraient Catherine Françoise Ginette Martine La lune apparaissait en rythme entre les immeubles vidés J’étais branche humide d’un arbre dans la Golf jaune offerte par le père et conduite par le père La route secouait le mois d’août qui n’entendait rien Je me disais la voiture c’est donc le père et le père est une voiture Victoire disait tais-toi pense aux biches pense au noir des rues pense aux rivières pense au nom de celle qui t’a vu naître elle parlait en sentences courtes furieuses elle disait oui là oui respire J’ai vu l’Oise l’impétueuse la fougueuse Le ventre énorme de l’Oise écumait dans mes veines gonflait le plastique noir de l’habitacle Je regardais mes mains comme dans mes rêves pour y rester calme Ma peau refusait le siège je roulais en boule nocturne sous la voiture je m’enduisais de suif Les feux aboyaient en rythme baignés de larmes L’un d’eux laissa le chat roux traverser puis au ralenti se transformer en biche Les biches accouchent seules dans un coin secret de la forêt Les biches se foutent des pères des diamètres des pulsations cardiaques des mains alcoolisées je ne veux pas retourner dans l’immeuble blanc La peau du père brillait sur le volant Victoire avait pris la forme d’une loutre géante elle tractait la voiture sur le bitume fumant je nageais dans ses yeux duveteux En montant les escaliers de la clinique j’ai su que j’étais sortie de la Golf Pourtant j’étais encore dans la Golf Tout s’empilait avec un bruit d’acier se multipliait par deux trois quatre Les murs blancs frissonnaient dans le vent marin tout juste étendus là au soleil par Victoire et ses cousines

Ce texte est tissé avec les 3 précédents (8, 9, 10)

A propos de Lisa DIEZ

Chercheuse polyvalente, sorte d'artiste tout-terrain. Valises posées depuis 5 ans dans les arts de la scène. Passages par la peinture, le documentaire, la photo… Et l’écriture, soutien fidèle de ces nombreuses traversées. Deux sites : www.soinartistique.fr (Collectif À la Source) et www.atelierdiez.com (vrac et chantiers).

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