Samedi soir je suis partie vers six heures du soir de chez ma tante Histoire de ne pas arriver en pleine nuit Ma tante m’a conseillée de faire une halte sur le chemin d’Ansouis à quelques kilomètres de chez elle pour admirer une rangée de cerisier en fleurs Je connais bien la route pour être venue des dizaines de fois mais je n’arrive jamais à emprunter deux fois le même itinéraire Le Lubéron Sud est quadrillé de tant de chemins et routes à peine goudronnées serpentant dans les vignes A l’aller comme au retour je navigue à vue Venant d’Aix je mets le cap sur Mourre Nègre sommet du Lubéron car la maison de ma tante se trouve à son exact aplomb. Au retour je pointe le baisse de Perthuis Au final je finis toujours par arriver mais plus tard que l’heure annoncée Mes trajets aléatoires me coûtent toujours un bon quart d’heure Le retour est plus agréable car je peux me perdre plus franchement et oser des détours plus audacieux Je démarre Les pneus crissent agréablement sur l’allée caillouteuse Le ciel est velouté et lumineux Peu à peu un dégradé orangé subtil vient souligner la silhouette des oliviers en bord de route Je conduis sans à-coups et devine les cerisiers fleuris après un virage Je stoppe le véhicule et descend Les fleurs blanches fragiles commencent à tomber pétale après pétale. Le silence du soir est comme un souffle retenu Je regarde autour de moi les herbes hautes et les troncs noirs et rugueux. Je remonte en voiture légèrement triste et roule lentement jusqu’à Pertuis Les voitures sortant de l’hypermarché tentent de se faufiler dans la circulation . Certains conducteurs énervés articulent des insultes inaudibles derrière la vitre côté conducteur. Je prends l’autoroute à la sortie du bourg Le ciel s’est magnifiquement coloré de mauve et d’orange La route est vide Je mets la radio Je tombe sur la Lettre à ma mère de Georges Simenon En conduisant dans la nuit qui vient je pleure les fleurs tombées, la vie brève et mon malheur.