#anthologie #11 | balade

Il me conseille d’y aller en bateau, l’accès est plus facile par la rivière. Il propose de m’accompagner « ne t’en fais pas, on ne peut pas se perdre, il suffit de suivre le cours de l’eau ». Nous nous donnons rendez-vous à 19h, devant la maison de Dame Christine, c’est là que la barque est accostée. Brrr, il fait plus frais qu’à midi, on a du perdre quelques degrès, j’aurais dû prendre un blouson, il monte en premier dans le bateau et me tend la main pour me faire monter, il dénoue la corde du piton et avec la rame il repousse le bord, nous voilà partis, à cet instant précis un nuage passe devant le soleil, tout s’assombrit, furtivement un voile d’angoisse me traverse, je l’admire il rame avec plaisir et assurance, il s’engage dans la bonne direction, il descend la rivière dans le bon sens, je suis ravie, je souris, je l’applaudis, et là je suis surprise par la puissance de l’écho qui se propage autour de nous, je m’agite, je m’excite, je me tourne dans un sens puis dans l’autre, je vois les rives s’éloigner, les vaches nous regardent fixement, l’inquiétude me gagne je préfère la mettre de côté, je parle, je cause, oui je parle de ce Moulin qu’on va espionner, qui est a vendre, et qui me plaît, avec mes bras je mime la roue qui tourne, une hirondelle vole si bas qu’elle se cogne dans mes grands gestes explicatifs, je lève la tête, me renverse en arrière, suis stupéfaite par l’épaisse obscurité qui envahit progressivement le ciel, je ne sais pas d’où me remonte cette comptine que j’entonne: Tourne, tourne, petit moulin /Tapent, tapent, petites mains/Vole, vole, petit oiseau/ Nage, nage, poisson dans l’eau/ il ne m’écoute pas, il n’a pas l’air de m’entendre, il rame, hyper concentré, de plus en plus rapidement, son air est comme figé, je frissonne, je me penche sur l’eau j’aperçois mon visage tendu, mon reflet tout plissé, j’ai vieilli de 30ans, je suis effrayée et tout à coup je m’entends chanter du Michel Legrand « Comme une pierre que l’on jette dans l’eau vive d’un ruisseau et qui laisse derrière elle des milliers de ronds dans l’eau… »  je chante de plus en plus fort, est-ce pour couvrir les cris du hibou grand duc et ceux de la chouette effraie? Est-ce pour le faire réagir? qu’il me regarde? Est-ce pour me rassurer? Est-ce pour m’exciter toujours plus?  Il fait nuit noir, il ne me parle toujours pas, il rame frénétiquement, la barque file sur l’eau, nous avons du dépasser notre destination, je ne reconnais plus rien, je ne vois plus rien, je n’entends plus rien. Me calmer, Faire Front, apaiser mes angoisses, mes peurs, mon délire.

Et voilà ma chérie on est arrivé. C’est bien vrai, on est revenu au point de départ, je reconnais la maison de Dame Christine, en sortant du bateau je l’aperçois dans le halo de lumière derrière la fenêtre de sa chambre, elle est penchée sur son bureau, elle écrit, sans doute une admirable poésie… Merci

A propos de Cécile Bouillot

Bonjour je suis comédienne. Je développe également des projets vidéos dans lesquels je filme les gens autour d'une même question. J'écris des poèmes de rue a partir de phrases récoltées dans la rue, j'aime m'amuser avec différents jeux d'écriture, j'écris régulièrement depuis deux ans. Acte 2 Scène 2. Chaine Youtube : https://www.youtube.com/user/cecilebouillot

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