#anthologie #10 | Lui

Le jour de ses quarante ans il piétine devant la porte de son domicile ne sachant s’il veut ou non entrer. Il fait nuit. Il fait froid. Il sait qu’on l’attend pour fêter son anniversaire. Il regrette d’être né en hiver. S’il avait fait beau, si les jours étaient plus longs, s’il n’avait pas besoin de s’engoncer dans des vêtements chauds, il serait parti se balader. Il ne veut pas avoir quarante ans. A neuf ans il est pressé d’en avoir dix. Il attend de pouvoir aller avec les grands et, à l’école, les grands c’est à partir de dix ans. Lui n’en a que neuf. Son frère qui n’a que seize mois de plus, ne peut s’empêcher de le lui rappeler. Quand il en a le double, qu’il est majeur, il ne vit plus dans le gîte familial. Il part étudier dans une école d’horticulture dans la région parisienne. Il envoie des photos. Sur une petite photo style photomaton il s’est rasé la tête et derrière à côté de la date est marqué combien de temps faut-il pour que ça repousse ? sur chaque photo il met un commentaire pas toujours très facile à lire mais tout est collecté sur un petit carnet. Quand c’est illisible la collecte se réduit à une photo du texte de la photo. A soixante-cinq ans il fait de très belles aquarelles à partir de plantes qu’il découvre lors de ses voyages. A cinquante ans il se marie avec la femme qui l’accompagne depuis vingt-cinq ans. Ils font un voyage de noce au japon. Il écrit dans une longue lettre l’éblouissement qu’il ressent lors de la découverte du Ritsurin Koen à Takamatsu et assortit sa lettre de haïkus et de dessins-aquarelle. Les Twin Towers explosent le 11 septembre. A quinze ans il prend des cours de dessin et s’installe un petit atelier sous les toits de la maison familiale. Il range ses dessins et les classe dans des albums. Un florilège, un animalier, un portraits. Une mine de fictions à venir.