À six ans elle écrit le mot ciel avec un s. elle tient son crayon de la main gauche, elle ne voit pas partir la gifle : après elle esquive. Un trois ou quatre de mai : elle nait – quatre sur les papiers, trois dit le corps de la mère– ; sur une photographie du salon on voit le visage de la mère, pas le corps ; c’est bizarre il pleut ; on lui donne un bracelet avec son nom, et trois prénoms. A sept ans, elle l’envoie « foutr »: elle court : courir comme une esquive, un champ puis deux, puis trois – une nuit elle voit la lune tomber dans l’eau- à perdre haleine. Elle a quinze ans et le ciel par dessus la tête, il a sa bouche entre ses cuisse, elle jouit. A Vingt-six ans on lui coupe le pied gauche (amputation c’est le vrai mot) ; elle attrape la maladie mais ne meurt pas. À sept ans elle lit tout ce qu’elle trouve, elle grandit en livres, elle prend trois centimètre en un an ; à sept trois quart elle décide qu’elle sera le cheval de l’histoire; elle apprend à hainnir; elle galope et elle rue. Un crayon dans chaque main elle dessine de deux hémisphère : elle a huit ans, elle se souvient de sa joie, en voyant pousser deux fleurs. À douze ans elle court comme un rasoir ouvert, elle gagne une coupe, devient célèbre dans sa rue. Mourir n’est pas dans ses idées, elle a trente et un ans quand la mort l’attrape par un pied: sans hésiter, elle n’en a qu’un. À deux ans elle répète : con : crouille : con : crouille comme une comptine : elle tire les mots de la mauvaise bouche, elle ne sait pas que les mots puent : vingt ans plus tard elle pousse la porte et file : mauvaise fille.
9 commentaires à propos de “#anthologie #10 | courir”
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Wouahhhhh ! On ressort étrillé de cette course ! « à sept trois quart elle décide qu’elle sera le cheval de l’histoire; elle apprend à hainnir », comment une contraction + un néologisme raconte tout d’un tempérament ! Merci Nathalie, et bravo !
Marlen merci !!vais réfléchir à cette phrase :
comment une contraction + un néologisme raconte tout d’un tempérament !
superbe, le souffle, les inventions, merci!
quelle tempérament elle a ! courir comme un rasoir ouvert, être le cheval de l’histoire, hainnir et ces dates à-peu-près, j’adore!
Le rasoir vient de Buchner .., merci Catherine d’être venue lire
Je ne vous connais pas mais je trouve qu’elle vous ressemble, cette fille…
J’aimerais bien . Merci Natacha
Merci Nathalie. La course esquive d’une fille un crayon dans chaque main. Superbe. Merci.
magnifique Nathalie ! je n’ai pas lu la proposition, mais ce texte est superbe ! chaque âge, sa grande densité et le rythme entre, on entend pulser la vie ! merci