Soixante-dix-sept ans, il ne reste plus de ses yeux que les contours d’une couleur indécise, miroirs opaques où se lit l’ombre de mille ciels changeants le visage labouré de sillons, il porte le gris de sa barbe comme un vieux trophée un hommage aux années dépassées, de sa voix rauque il ne se plaint pas du bout du chemin sa photo de famille est une composition de tous ceux qu’il rencontrent. À soixante-six ans se superposent de vieilles histoires d’amitiés fidèles, pièces d’un puzzle photos d’une mosaïque incertaine de visages, de voix de rires partagés autour d’une bouteille de vin et de l’abondance de la table. À cinquante-cinq ans avec la vigueur du bâtisseur il aborde une nouvelle phase de la construction de sa maison entreprise il y a bien des années, chaque brique est un témoignage de sa ténacité ; toutes ses familles s’arrêtent de passage comme un rituel un plaisir partagé Il a quarante-quatre ans pratique le télétravail avant l’heure précurseur dans sa campagne face au gros rocher la connexion est lente, sa patience infinie. Il a trente-trois ans, la naissance de son deuxième fils avec sa seconde femme, géniteur et responsable n’implique pas sentiments d’ailleurs à vingt-deux ans à la naissance de son premier fils sa décision, la paternité est une notion d’une autre époque, il y a bien des photos de 1968 vous savez quand tout le monde est le parent ou l’enfant de tous, un genre d’égalité et de partage, la communauté le retour à la terre, de légumes du jardin et de fromages de chèvre, de macramé et bijoux faits maison, les cigarettes roulées à la main, il joue de la guitare parce qu’à vingt ans il est concertiste et compose. Le regard limpide bleu-vert il a six ans sur la photo en noir et blanc assis sur les genoux de sa mère tant aimée.
Merci Raymonde. Subtile façon de remonter le temps et de rencontrer les visages.
merci Ugo pour ce partage, mes textes seront plus rares je pars pour 5 semaines là où internet ne pénètre pas et c’est bien aussi… ici la violence des orages est inouïe je ne sais en Corse…
Très joliment interprétée, cette consigne difficile
La remontée dans le temps nous tient, en temps que lecteur, presque davantage qu’un déroulement chronologique, très beau choix d’écriture! Merci Raymonde