Elle a vingt ans, elle travaille avec ses parents dans un hôtel restaurant à Nice, elle pose devant la façade avec tous les employés. A côté d’elle se tient son amie Françoise. Son père était pensionnaire du restaurant et un matin il est parti faire une courses laissant juste un mot demandant de bien s’occuper d’elle. Elle a 36 ans. Elle prend une patente rue Saint-Yon à La Rochelle. Seule apparaît la signature de son mari sur le bulletin d’inscription à la société du commerce. Elle a 46 ans. Elle se constitue prisonnière à la prison d’Angoulême, une ville où elle n’est jamais allée auparavant. Il est vingt heures, c’est l’hiver, elle ne sait pas s’il fait froid, s’il fait doux. Ce qu’elle a fait elle ne le regrette pas mais n’en parlera jamais à ses enfants. Elle a dix-huit ans. Son frère vient de mourir à la guerre. Elle ne l’apprendra que des mois plus tard. Elle a 42 ans. La seconde guerre est déclarée, elle tient un petit restaurant, plutôt une cantine ouvrière et regarde son fils s’amuser sur le tourniquet du parc. Elle a 60 ans, elle recouvre de draps blancs le mobilier de son dernier café attenant à son habitation, range les papiers administrative dans une boite en carton robuste qu’elle enferme dans un placard sous le bar, ôte du bout de l’index une poussière oublié sur le zinc et éteint les lumières avant de refermer la porte. Elle ne la rouvrira que rarement, les jours de visite de ses enfants, pour leur donner envie de le reprendre. Elle a 45 ans, elle accompagne ses deux plus jeunes filles à Loret-Rouillac. La Croix Rouge place les enfants habitant dans les régions dangereuses. La région de La Rochelle était considérée zone dangereuse à cause de la base sous-marine souvent bombardée.