Le meilleur chemin que j’ai pris, c’est celui de la littérature et s’il est à déplier dans la fractale d’un instant, c’est celui-là que je choisis, mais c’est un chemin abstrait, il faut faire preuve d’imagination, il n’y a pas de route et je marche seule,
C’est une voie, comme on dit, et si elle est dans le sens opposé des autres voies, c’est parce qu’elle n’est pas la voie royale, elle est la voie de garage, c’est comme ça qu’on l’appelle, c’est ce que les autres pensent, eux qui sont sur les bonnes voies,
Je ne suis jamais allée aussi loin qu’en prenant cette voie de garage, il paraît pourtant que sur ces voies là on peut changer l’ordre et le sens de la circulation, mais je ne l’ai pas changé et j’ai vu passer en sens inverse ceux qui partaient faire des écoles de commerce, de la finance, du droit, de la médecine,
Propulsée sur cette voie grâce à la naïveté de ma jeunesse, le refus du monde matériel, j’ai d’abord cru que, cheminant ainsi sans plus pouvoir m’arrêter, j’allais me construire une vie de papier qui ne serait faite que de lecture et d’écriture,
Pendant ce temps dans la vraie vie, les vrais gens pensaient qu’il fallait vendre, économiser, investir, défendre, attaquer, soigner, maltraiter,
J’ai pris le chemin opposé le jour où j’ai refusé d’entendre ceux qui me mettaient en garde et qui pensaient qu’il fallait être socialement reconnu, économiquement convoité, financièrement désirable,
J’ai croisé en sens inverse ceux et celles qui voulaient porter l’uniforme, être sous le joug d’une autorité, gagner matériellement l’affaire,
Je suis partie en sens inverse le jour où j’ai choisi la vie de papier, la vie sous haute tension littéraire, la vie des mots.