alors, le mardi j’ai quitté l’école:
je suis entré par la porte principale, j’ai traversé la cour, j’ai pris la porte du bâtiment C et je suis ressorti par l’arrière, j’ai ressenti une bouffée de joie et de peur, j’ai marché en direction des hauteurs pour être sûr de ne rencontrer personne, de là, j’ai vu les bateaux, je suis resté longtemps non pas à les contempler, ce n’est pas le mot, mais à divaguer à partir d’eux
je me suis posé trois questions
– où vont-ils?
– est-ce qu’ils partent longtemps?
– est-ce que je peux monter sur l’un d’eux?, et je suis descendu par les quatre-cents marches
jusqu’aux quais où il faisait déjà chaud, l’herbe entre les pavés était jaune, dans la classe, les cahiers avaient été sortis depuis un moment, les premières leçons récitées, les premières punitions tombées, je me suis avancé vers le premier bateau, à la coque verte comme une R14, il y avait de l’agitation sur le pont, j’ai pris la passerelle, personne ne m’a rien dit, je suis entré, j’ai pris l’escalier jusqu’au pont
PERSONNE NE ME DISAIT RIEN
alors je me suis assis, j’ai ramené mes talons sur les fesses, pris mes genoux dans les bras où reposait mon menton et j’ai regardé, je suis resté longtemps comme ça, jusqu’à l’heure de rentrer, je n’avais pas mangé, je n’avais pas bu, je suis retourné à l’école, je suis arrivé un peu avant la sonnerie et je suis rentré à la maison
je savais que demain dès l’aube, je serai sur le pont avec mon baluchon
Se faire la malle, aller voir ailleurs, loin des leçons, des punitions… tu nous fais rêver !
Et cette phrase « personne ne m’a rien dit » qui revient plus loin… tout ce que ça dit.
Merci.
oser, se risquer, prendre le large sans indication ni interdiction
le bateau est là, à quai
quelque chose qui change la vie sans doute sans que personne n’en sache rien à la maison
sobre et intrigant… (merci)
merci pour ce texte, et l’usage du blanc parfait après « je suis descendu par les quatre cents marches » et le corps qui dit dans les genoux l’appel du saut, et la sobriété des mots